Extrait du journal

AFRIQUE. Tances. ( Extrait d'une lettre particulière. ) «... Le lende main de mon arrivée, je vis célébrer la pâque du pays. On appelle ainsi une cérémonie religieuse qui ressemble bien peu à notre pâque. Dès le matin, vingt coups de canon à boulet annoncent la fête. A ce signal le pacha se rend avec pompe dans une grande plaine située hors de la ville, où l’attendent toutes les troupes de la garnison, rangées sous les armes. Là, sur un autel, gît un malheureux bélier; le pacha s’en approche, dit quelques prières, et lui plonge un couteau dans la gorge : soudain un juif saisit l’animal tout sanglant, le charge sur ses épaules, et s’en va toujours courant le porter jusqu’à la mosquée. Si l’animal vit encore au moment où il y entre ( ce qui manque rarement d’arriver), l’année sera bonne; si le contraire arrivait, grandes plaintes, grands gémissements; l’année serait mauvaise. La victime expirée, commence une affreuse boucherie ; chaque Maure immole, suivant sa fortune, un ou plusieurs moulons, et cela en pleine rue ; le sang ruisselle de toutes parts; hommes et femmes s’en abreuvent à plaisir; ils crient, chantent, dan sent, et s’efforcent, en mille manières, de manifester la joie qui les anime. La nuit venue, la ville retentit du bruit des coups de fusil; et ce n’est qu’au bout de huit jours que se termine réellement une aussi belle fête. » J’ai eu aussi le plaisir de voir solenniscr une grande vic toire. Le roi de Maroc, après avoir lutté pendant long-temps contre un de ses vassaux, qui s’obstinait à ne pas le recon naître, vient enfin de le réduire. Voici en quels termes est annoncée sa victoire : ■ J’ai mangé vingt peuplades, j’ai pris «dixmille chameaux, et j’ai fait trancher la tête à cinq cents • prisonniers. » Manger un peuple, dans le dictionnaire de sa majesté, veut dire lui enlever tout, jusqu’à son haie (sa che mise), tout piller, tout dévaster. Après la proclamation, les bons habitants de Tanger se sont mis en danse ; on a égorgé des moutons et assommé quelques juifs. Ceci est une chose permise ; le juif est esclave ici, et s’il lève la main sur un Maure, il a les poings coupés. a Les femmes mauresques, de même que toutes les femmes de musulmans, ne peuvent être vues ; elles sortent toujours voilées. Les juives seules sont visibles, et généralement d une grande beauté ; j’ai été surpris de leur excessive pro preté. Pourquoi sont-elles esclaves, pourquoi se vendentelles cumme Un vil bétail ? «Les productions du sol sont belles et à très bas prix. Le lait, dont on fait ici grand usage, est d’excellente qualité, meilleur qu’en Espagne ; et, ce que Sancho Pança eût ap prouvé de tout son cœur., ou châtie de deux cents coups de bâton celui qui se permet d’y mêler une seule goutte d eau n...