Extrait du journal

F qu’on n’avait aucun moyen de dénaturer ces esprits d’une manière [ assez efficace, pour empêcher les fraudeurs de les rendre à leur état primitif par Iâ distillation. 11 parait certain que la chimie a dé couvert un procédé à l’aide duquel les esprits seront dénaturés d'une manière irrémédiable, ce qui permettra de rétablir la fran chise accordée aux produits alcooliques destinés aux travaux in dustriels, sans avoir à redouter la fraude. Ce sera là un premier soulagement pour l’agriculture vinicole. La seconde proposition est évidemment beaucoup plus importan te. On ne se fait pus une idée des effroyables voleries qui se prati quent chez les marchands de vins, aux dépens de la bourse et de la santé du peuple. On évalue à cinq cent mille hectolitres la quan tité d’eau plus ou moins rougie on bleuie, à l’aide de cent drogues diverses, qui se vend tous les ans à Paris, sous le nom de vin. In dépendamment de ce vol impudent fait à ceux qui paient pour avoir du vin, indépendamment des maladies que les ordures indigènes avec lesquelles ces vins faux sont fabriqués causent à la popula tion qui s’en empoisonne, c’est un tort m anifeste fait fa l’agricul ture, de cinq cent mille hectolitres de vin qui ne se vendent pas à Paris, et qui s’y vendraient. L’audace de la falsification est portée si loin, qu’une société de marchands de vins, établie rue Montmartre, a fait peindre une immense affiche sur une muraille près de la Bour se, pour annoncer au public qu’elle vend des vins en nature. La chose est si rare, qu’on est obligé de l’annoncer! Et ce honteux bri gandage n’est puni maintenant que comme simple contravention. Le vol et l’empoisonnement, contravention ! Ce sera donc un immense bienfait pour l’agriculture qu’une loi très sévère contre la fabrication et même contre la simple mixtion des vins. M. le ministre des finances a dit, avec grande raison, que la loi sur les sucres, proposée par le gouvernement, et conçue au point de vue de grands débouchés qu'elle procurerait au dehors aux vins de France, serait encore plus efficace pour l’industrie vi nicole, et qu’un bon système de communication à l’intérieur agran dirait singulièrement le marché des vins, en les distribuant à peu de frais sur toute la surface du royaume ; cependant M. le ministre des finances aurait beau multiplier les débouchés au dehors, s’il ne prenait pas la précaution nécessaire pour empêcher que les vins ne soient falsifiés ou mixiionnés. C’est une chose triste à dire, mais notre commerce d’exportation ne jouit pas eu général, chez les étrangers, d’une réputation de probité bien consolidée. On en voie si souvent à l’étranger du plâtre pour de la farine, de l’eau de teinture pour du vin, des pièces de batiste finissant par de la toile d’emballage et des pièces de draps auxquelles il en manque la moitié, que le commerce français a fort affaire pour regagner la confiance qu’on lui a ôtée, et trop souvent avec toute raison. Il est donc nécessaire que lc§ vins fragyai^, les premiers du monde, re conquièrent au dehors leur réputation ; or, ils n’y parviendront pas, si l’on continue à exporter les infâmes mixtures que l’on trouve à New-York, à la Nouvelle-Orléans, à la Havane, à Londres môme, sous le nom de vins français. Il est à désirer que la commission qui doit être nommée ne soit pas aussi longue dans son œuvre que celle des sucres ; et surtout, que tous les représentons des départemens vinicoles se persuadent bien que la loi des sucres est aussi la loi des vins....