Extrait du journal
Service particulier du Guetteur. . Paris, 27 février. J’ai à vous donner aujourd'hui d’impor tantes nouvelles. Vous savez que lundi le bureau de la gauche républicaine est allé rendre visite à M. Thiers et que c’est à la suite de cette entrevue avec le Président qu’il a été dé cidé qu’on voterait, faute de mieux , sinon parce qu’on en est satisfait, du moins pur esprit de tactique, le projet de la Commis sion des Trente. Dans le cours de cette conversation avec nos honorables amis, le Président a été for cément amené à exposer ses idées sur les projets de loi organique qu’il doit, confor mément à 'l’article 4, présenter à la Chambre. Le président de la République n’est pas encore édifié, semble-t-il , sur certains points de détails ; mais voici l’ensemble de projets dont les bases semblent, dès-àprésent, bien arrêtées dans son esprit. Il y aurait deux Chambres. L'une de 250 membres, prendrait le nom de Sénat, comme aux Etats-Unis ; la se conde de 500 membres, serait Y Assemblée législative. Le Sénat se composerait de deux élé ments, savoir : * 1° De 150 Sénateurs environ élus au suf frage universel à un degré, à raison de deux sénateurs par département et un ou plusieurs par colonie ; 2° de 70 sénateurs environ élus par leurs pairs, parmi les membres des Académies, des Sociétés savantes, de l’Armée, de l’Episcopat, de la Magistra ture, etc. Ce second mode de recrutement aurait pour but d’adjoindre au Sénat des ca pacités spéciales. Le Sénat serait élu pour huit années, re nouvelable par quart. L’Assemblée législative serait tout en tière élue par le suffrage universel, au scrutin de liste. Les départements où il y aurait plus de huit députes à élire seraient seuls divisés en collèges n’ayant pas plus de huit députés à nommer. L’Assemblée législative serait élue pour quatre années consécutives et renouvelable en une seule fois, ces quatre années ex pirées. Le président de la République serait élu pour quatre ans par ces deux Chambres réunies. Vous voyez qu’il y a là tout un ensemble constitutionnels. Ce n’est pas ici le moment ni le lieu de discuter la valeur de ces projets, car j’ai hâte d’arriver à la séance d’aujourd’hui. Quelle foule 1 Jamais séance n’a attiré autant de monde. Les couloirs sont littéralement bondés. On ne peut circuler dans les escaliers. La consigne est des plus sévères, on ne peut entrer sans carte. J’ai vu offrir cent francs d’un billet d’entrée. On s’arrache les places. La tribune diplomatique est pleine ; lord Lyons, le baron de Beyens, l’ambassadeur allemand, etc. Le maréchal Mac-Mahon est dans une loge, M. Thiers et Mll° Dosne sont dans la loge présidentielle. A midi, le centre gauche s’est réuni. M. Jules Favre, au début de la séance, a rendu compte de la réunion et des décisions de la gauche. M. Ernest Picard a fait un discours spi rituel mais peu pratique, en disant que le rôle du centre gauche serait de voter contre les articles du projet, mais d’en adopter l’ensemble ; il apprécie la partie du projet des Trente en ces termes : * Il en gage tout le monde, mais il n’oblige per sonne. » M. Marcel Barthe combat M. Picard, le centre gauche ne pouvant faire échec au Gouvernement. M. Delorme parle dans le même sens ainsi que M. Ricard, et la réunion finit par décider qu’elle votera le projet sans lo préambule. Le centre Périer s’est aussi réuni. La discussion a été longue. Ce groupe a décidé de ne pas créer de difficultés au Gouverne ment. Il laissera passer la discussion audessus de sa tête et laissera l’extrême droite et l’extrême gauche s’entendre au besoin. Il ne s’intéressera au débat que si une diffi culté venait à surgir. M. Bérenger annonce qu’il retire son amendement relatif à la proclamation du Gouvernement définitif et la réunion votera alors le projet de la Commission , puisque le Gouvernement le soutient. Une quantité d’amendements sont dé posés aujourd’hui, la plupart tendant à ce que l’Assemblée proclame la forme défini tive du Gouvernement....
À propos
Fondé en 1869, Le Guetteur de Saint-Quentin et de l’Aisne affiche très vite son indépendance totale vis-à-vis de l’État en tenant haut le drapeau de la démocratie. Profondément pacifiste, le journal est convaincu que l’entente des peuples doit passer par une démilitarisation multilatérale. Il paraît jusqu’en 1914.
En savoir plus Données de classification - thiers
- gambetta
- haentjens
- de marcère
- de castellane
- arago
- de broglie
- grévy
- dupanloup
- fresneau
- france
- saint-quentin
- versailles
- cham
- paris
- espagne
- quentin
- orléans
- lille
- renneville
- la république
- l'assemblée
- sénat
- académies
- assemblée nationale
- doubs
- parti conservateur
- république sociale