Extrait du journal

I Bien que magistrat, M. Legrain n’avait ; que peu de relations dans la haute société i de Condé, et même, â dire vrai, on l’avait ’ toujours maintenu à l’écart. A cette sorte ; de mise en quarantaine, il y avait quelques j raisons qui, dans une ville comme Condé, ] étaient de véritables crimes. D’abord il était pauvre ; plus que pauvre, besoigneux, j endetté, et pour des petites dettes criardes. Puis il avait été compromis dans plusieurs histoires amoureuses qui avaient tait scan dale, et ce qu'il y avait de grave, c’était que les héroïnes de ces histoires étaient non des personnes du monde, mais des femmes vulgaires, la femme d’un charpentier, une couturière , une blanchisseuse. Enfin il manquait de tenue, n’ayant pas de maison à lui, demeurant à un second étage, où il n’occupait que deux chambres faites par , une femme de ménage, jeune, jolie, sur j laquelle on jasait ; avec cela négligé sur • soi, sentant la pipe ; sceptique, n’ayant ! aucunes convictions, pas plus politiques i que religieuses, et ne s’en cachant pas. I De sorte que, tout en étant la lumière du , tribunal, son intelligence, sa capacité, son i activité, taisant tout, son travail et celui des autres, surtout celui du président Bon homme de la Fardouyère, qui sans lui n’aurait pas su rendre un jugement de vingt lignes, il était jusqu’au moment de l’affaire Claude resté à l’écart du monde dam lequel ses collègues, même les plus infirmes, occupaient le rang dû à leurs i fonctions. Mais du jour où il était devenu i le seul homme qui connût tout les incidents I de l'empoisonnement de Mmw Claude cette i situation avait changé du tout au tout ; en réalité il n avait pas autant de dettes qu’on voulait bien le dire ; sans doute une cou turière est une singulière maîtresse pour un magistrat, mais il y en a qui sont jo lies et bien élevées ; s’il ne montrait ni 1 conviction» religieuses, ni opinions politi...