Extrait du journal

bourgs anglais. D’agréables cottages enguirlandésde clématite et de chèvrefeuille, des jardins, des vergers, en forment l’en semble. Débarrassée de sa commission, Char lotte s’en revint en flânant, cueillant de ci, de là, des fleurettes et des herbes. Il fai sait si bon se sentir vivre... chose qu’ n’arrive pas précisément tous les jours. Mais, lorsqu’on a dix-huit ans, une santé superbe, un sang généreux coulant dans les veines, et que le printemps vous enivre du vin délicieux de votre propre jeunesse, quelles qu’aient été les douleurs et les tristesses du passé, les sensations heu reuses montent au cœur, les paroles joyeuses aux lèvres. Avant de passer par le tourniquet peint en blanc qui donnait accès aux prairies du domaine, elle s’assit un instant sur le talus. Ne fallait-il pas mettre un peu d’ordre à sa moisson champêtre. Puis, à quoi bon rentrer si vite ! aucun devoir ne l’appelait à la maison avant neuf heures. Les fleurs groupées avec goût, la jeune fille les déposa sur le gazon. Bientôt elle oublia la route agreste, le paysage, la flore printanière et sa pensée s’envola vers la France. L’absence a cela de particulier, qu’elle brise les liens sans consistance et aug mente, au contraire, la force de ceux dont l’attache est réelle. Jamais Charlotte de Lérins n’avait res senti à un tel degré la puissance de ses...