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Le Guetteur de Saint-Quentin et de l’Aisne, 20 juin 1883

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Le Guetteur de Saint-Quentin et de l’Aisne
20 juin 1883


Extrait du journal

« Félicitons-nous de vivre au temps où nous vivons; c’est encore le meilleur. » Telle est la conclusion d'un très remar quable discours que M. Frédéric Passy a prononcé à la Chambre, dans la séance de samedi. La Chambre poursuivait la dis cussion relative aux syndicats profession nels, et l'on sait que la séance de mardi, où celte question avait été abordée pour la première fois, avait été signalée par deux discours, aussi très remarquables à divers infinis de vue, l’un de M. de Muu, 1 autre de M. Edouard Lockroy. On se rappelle également que l’orateur clérical avait tracé le plus séduisant tableau du Ion vieux temps. Comme M. Edouard Lockroy l’avait fait, M. Frédéric Passy s’est chargé à son tour de remettre chaque chose h son véritable point et de réduire à leur valeur réelle les fantaisies économiques de M. de Mun. Il a, pour nous servir d une expression vulgaire mais exacte, il a rivé leur clou à ces détracteurs systématiques du temps présent, qui sont béatement confits dans la stérile admiration du passé. On connaît M. Frédéric Passy à SaintQuentin. Cet éminent économiste a fait dans notre ville des conférences qui ont été fort goûtées, et l’on rend une égale just ce à sa science non moins qu'à sa probité politique. M, Passy n’est sans doute pas, il s'en faut, un démagogue à tous crins. Son républicanisme touche aux confins du centre-gauche, mais c’est un républicanisme sincère et de bon alui. En tous cas, ou ne saurait l'accuser d’exagérer lo> couleurs d’un tableau au profit de sa thèse; ce qui nous permet de dire que la réfutation'îles fantaisies de M. de Mun a été accablante pour ce dernier. Ainsi que nous avons eu plus d’une fois l’occasion de le faire, en nous appuyant sur des autorités incontestables, M. Fré déric Passy a mis complètement à nu les effroyables misères de cet ancien régime dont M. de Mun et scs amis souhaitent la restauration. Restauration impossible, car elle serait en contradiction flagrante avec les princi|)cs que nous a légués l’immor telle Révolution de 1780. M. de Mun avait osé dire, comme nos lecteurs se le rappellent, que les questions ouvrières et les questions sociales étaient inconnues autrefois. Elles étaient, à son sens, une des plaies inhérentes à notre époque. C’était singulièrement fausser l’histoire; mais on sait que les cléricaux ne sont embarrassés par aucun scrupule. Comme Dieu 4 fait, dit-pn, l'homme à sa ressemblance, ils font l’histoire à leur image, sauf à la défigurer pour les besoins de leur cause. M. Frédéric Passy a boule versé de fond en comble l’idéal chrétien qu’avait échafaudé M. de Mun, et de son discours, qui méritait d'aillours d’être re marqué, il n'a fait que des miettes dont M. Cuneo d’Ornano ne voudrait pas pour faire sa pâtée. Un détail en passant, pour montrer ce qu’était en réalité ce régime si vanté par les économistes cléricaux. Les historiens, a dit M. Passy, fatigués de répéter sans cesse les mêmes choses, se bornent à compter les grandes famines et les grandes disettes. Il y on eut 10 au dixième siècle, ‘J0 au onzième, 2 au dou zième, 4 au quatorzième, 5 au quinzième, G au seizième. Au dix-septième siècle, sous le règne du grand roi, il y eut une famine telle que des personnes, vêtues de soie, étaient réduites à faire bouillir du son dans de l’eau dans laquelle 011 avait fait des saler de la morue...*? Et la peste suivit cette famine pour achever le tableau. Quant à la sympathie que manifestait pour les malheureux ces t bons » rois que glorifient les apologistes du temps passé, voici comment elle se traduisait : par des mesures féroces prises contre les men diants qu’on embarquait sur des navires destinés à un usage analogue à celui qu’on a justement reproché à Carrier, « un des hommes qui ont déshonoré la Révolution...

À propos

Fondé en 1869, Le Guetteur de Saint-Quentin et de l’Aisne affiche très vite son indépendance totale vis-à-vis de l’État en tenant haut le drapeau de la démocratie. Profondément pacifiste, le journal est convaincu que l’entente des peuples doit passer par une démilitarisation multilatérale. Il paraît jusqu’en 1914.

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