Extrait du journal

Il parait que nous sommes à la veille d’un cataclysme social. On nous en menace, il est vrai, depuis si longtemps que nous commençons à être peu touchés de la prophétie. Jéiémie lui-même eût fait tort à ses effets s’il les eût prodigués autant que les journaux de l’ordre moral prodiguent les leurs. Mais cette fois, à ce que Von assure, c’est pour tout de bon. il n’y a plus d’ordre, plus de paix, plus de sécurité ; depuis que le gouvernement est républicain, il n’existe plus de gouvernement Personnes et fortunes tout est éga lement en péril. Figurez-vous, en effet ! Ici, une demi-douzaine de gens ont osé chanter la Marseillaise : là, on a lu une inscription menaçante sur une muraille ; là, un prêtre a été apos trophé par quelqu’un, là c’est un gendarme auquel on a manqué de respect. Il y a bien, dans les trentesix mille communes de France, une demi-douzaine de faits authentiques, à ce que l’on affirme, et tous aussi graves que ceux-là. Nous les voyons circuler de journal en journal par toute la presse monarchique, et quand ils ont passé une fois, on les fait repasser le lendemain, afin d’aug menter le cortège comme au théâtre par un nouveau défilé des mêmes figurants. Une seule chose nous étonne, c’est que l’on n’ajoute pas aux méfaits de la République jus qu’aux vois et aux accidents de la rue. La République pourrait tout aussi bien être rendue responsable des cheminées qui tombent ou des chiens enragés qui mordent que de»s mauvais drôles qui outragent un prêtre ou écrivent des ordures sur les murailles, en attendant que la police correctionnelle les châtie. Allez, braves gens, allez toujours : si ce travail vous divertit, poursuivezrle à votre aise ; il ne nous gène pas. Tant que vous n’aurez pas de plus grosses accusations à lancer contre la République, jla Ré publique ne sera pas bien malade. Persuadez-vous à vous-mêmes, si vous en pouvez venir à bout, que vous parlez sérieusement : restez bien chaudement au coin de votre...