Extrait du journal

Rien que la vie qu'elle eût trouvée auprès de sa tante ne ressemblât en rien h celle qu’elle avait imaginée en quittant Paris , et que l’ogresse fût pour elle pleine de ten dresse, elle n’en avait pas moins des heures où la séparation posait sur elle de tout son poids, et l’écrasait. Pendant lo jour, elle n’avait pas grand temps pour être seule avec elle-même et s’abandonner ; dans la matinée, la inesse et la station à la maison de Guil laume de Puylaurens ; dans l’après-midi, la musique, les promenades en voiture, les courses aux environs, les visites que sa tante recevait, les lettres à sa mère l’occupaient et la distrayaient. Mais le soir, quand elle se trouvait seule dans sa chambre , elle était libre, libre de pensée, d’esprit, de cœur, et, de cette liberté, elle en usait pour retourner à Paris. Où étaient-ils en ce moment ? Que faisait sa mère ! Que faisait Ernest * Bien souvent, ces questions se présentaient à son souvenir dans la journée ; mais alors elle les écartait toujours, ne voulant les exa miner que dans le recueillement de la soli tude, quand elle pourrait se donner à elles entièrement. Aussitôt arrivée dans sa chambre, elle se déshabillait vivement ; puis, après avoir éteint les lumières, elle ouvrait une fenêtre avec précaution, et, assise sur une petite Chaise, accoudée sur l’appui en fer du bal...