Extrait du journal

C'est sur le chemin qui borde le pied du mont de Gez, dans un des rares endroits où la paroi est à pic, et j'imagine que quelques autres promeneurs en ont fait la remarque comme moi. En un point, le granit se creuse comme pour faire une façon de porche à une invisible cathédrale, ou une niche de pierre attendant quelque saint mystérieux. Un banc naturel se dresse sous cet abri dont la partie supérieure surplombe la route et, dans ce plafond massif, d'un gris teinté de violet, s'ouvre, comme un entonnoir, une crevasse verticale aux lèvres luisantes qui grimacent. C'est d'ailleurs un endroit exquis, par les chaudes journées, une retraite délicieuse où parvient seulement le bruit lointain des clochettes des troupeaux. On y perçoit cependant aussi, pour peu qu'on prête attentivement l'oreille, des bruits qui semblent venir des profondeurs même de la montagne, et, quelquefois encore, le vent qui souffle sur ses sommets, une fissure intérieure rejoignant certainement la base à la cime. D'autres analogues, d'ailleurs, s'accusent alentour par de longues et minuscules cascades qui viennent mourir dans le fossé avec un éparpillement de gouttelettes d'argent sur la pierre. Car il semble que les flancs du monstre, à la foison de verdure pelée çà et là, soient iraversés de mille veines où circule ce 3ang clair prêt à jaillir à la moindre blessure....