Extrait du journal

*A quarante-cinq ans, riche, demeuré assez séduisant, robuste, ayant conquis une grande situation, d'une importance morale tout au moins, à la tête de l'opposition réactionnaire, le marquis de Tresmes n'en demeurait pas moins accablé de l'éclat de sa récente mésaventure. Aucun scandale n'avait guère eu plus de retentissement, n'avait plus longtemps défrayé la curiosité et la malignité publiques, n'avait été l'objet de plus de commentaires : la marquise, jeune, belle, adulée, se faisant tout à coup enlever par un écuyer de cirque, rompant avec le monde, se jetant av^c une sorte de frénésie dans un pitoyable cabotinage, suivant ce bellâtre aux moustaches ridiculement frisées, partageant son existence et exploitant le bruit causé par cet incroyable événement, se montrant à ses côtés, entreprenant une tournée en Europe, débutant avec lui dans des « numéros » sensationnels, répondant par des lettres d'un extraordinaire cynisme à l'action en divorce intentée contre elle. Et tout cela avait été vraiment si inexplicable que M. de Tresmes ne pouvait croire encore à la réalité de cette lamentable histoire, dont il était la victime. Il n'avait pas, en effet, de gros reproches à se faire, ses dissentiments avec la marquise n'avaient jamais été que légers, rien n'annonçait chez elle cette possibilité d'un prodigieux dévergondage. Il ne comprenait pas, et il lui semblait qu'il ne comprendrait jamais....