Extrait du journal

Pierrot que je veux dire. Il ne sait rien, sinon qu'il vit et qu'il est blanc ; il ne veut rien, sinon tout ce qui ressemble à sa blancheur; il a la même candeur rayonnante que la neige et le lYS, et, s'il ne manque pas de quelque ruse, c'est que dans « malice » il y a lys, et neige dans « manège ». Il va" par la plaine d'Egypte qui est un vaste jardin à cause du printemps. Comme il n'a rien mangé, vagabond sans gîte ni huche, depuis qu'il déroba les pommes d'or des Hespérides, il ne laisse pas d'avoir grand'faim; et de faim, il serait pâle, s'il n'était si blanc. Mais la longue accoutumance du jeûne lui en épargne la gêne ; il mangera les giboulées tombantes, si le ciel s'éparpille en menue grêle, car il ne saurait se neurrir que de choses blanches comme lui. En attendant la blême et scintillante ondée, il se plaît a regarder les fleurs de l'énorme jardin. « Bonjour, mon frère », dit-il au jasmin, et à la rose blanche il dit : « Bonjour,ma sœur. » Si dans l'azur passe une colombe, il la complimente et la salue d'un mouvement de sa manche, aile aussi ! Et il ne croit pas aux œillets, puisqu'ils sont roses, ni aux corbeaux, puisqu'ils sont noirs : il est l'instinct...