Extrait du journal

J'ai vécu parmi ces hommes. Je connais leurs humbles folies et leur résignation. Le dimanche, ils dansent d'un air grave ; puis ils causent pesamment des semailles et des gouvernements ; leur tête est gênée par le col raide. et l'alcool emplit leurs yeux d'ombres mouvantes. * Certains jours d'orage, ils entraînent dans les huttes des champs les filles éperdues. Et, d'un bout à l'autre de l'année, les vents assaillent leurs maisons ; le --ciel est bleu, le ciel est gris ; des présences mystérieuses rôdent et soufflent à leurs portes. La campagne accomplit ses quatre métamorphoses ; chaque journée apporte sa ride. L'air est autour d'eux comme un linceul : à quoi bon tenter de soulever cet interminable décor! Les enfants, geignant encore d'une fessée, mal mouchés, un doigt dans la bouche, restent depuis le matin jusqu'à la nuit d'été de dos collé au sol brûlant, la tête ivre de soleil, dans les prés où leurs parents remuent l'herbe comme des bêtes harassées ; patientez un peu : du plus secret des vallées va s'élever le chœur triste des grenouilles, et les bruits des chariots, des angélus et des trams lointains monteront vers les premières étoiles. Cependant les femmes prient pour les, morts....