Extrait du journal

Faim, froid, enlèvement des jeunes gens et des jeunes filles, passage de prisonniers alliés, couvre-feu à quatre heures et quelquefois à une heure de l'après-dîner, privation de lettres, de journaux, de toute correspondance, agonie des parents, des femmes dont un mari, un fils étaient au front, de l'autre côté, exode et migration à travers l'Allemagne, toujours de nuit, jusqu'en Suisse, de malheureux quittant leur maison, leur pauvre foyer glacé sans espérance de le revoir jamais, raffinement ingénieux de tortures, mensonges de la Gazette des Aïtiennes et du Bruxellois, deux journaux tolérés par l'ennemi et inspirés par lui, sonneries de cloches — de nos cloches - le soir, à l'occasion de victoires allemandes, vraies ou fausses, concerts dans nos kiosques publics, solennités officielles à l'occasion de la fête du kaiser, de la visite du kaiser, volonté tenace et formidable de nous assimiler, bon gré mal gré, à l'empire allemand. Plus un drapeau, plus une chanson, plus un rnot ni un geste d'homme libre ! L'aigle impérial nous tenant dans sa serre, partout, toujours....