Extrait du journal

Les savants ont tiré de l'infériorité des bêtes, par rapport à nous, cet argument que, depuis qu'elles existent, elles "ont toujours les mêmes choses avec les mêmes mouvements, qu'elles n'invenlent ni ne progressent. Le lapin creuse son terrier de la même façon qu'il y a :lix mille ans, le chardonneret tresse ton nid, l'araignée tisse sa toile, le castor construit sa hutte, sans apporter jamais la moindre modification dans ia forme et dans l'ornement. Toute fantaisie, toute spontanéité individuelle, toute liberté critique semblent leur avoir été refusées ; et ils n'obéissent qu'à des rythmes purement mécaniques, lesquels se transmettent avec une précision déconcertante et une régularité servile, à toutes les généralions de lapins, de chardonnerets, d'araignées et de castors. Qui nous dit que ce que nous appelons des rythmes mécaniques ne sont pas des lois morales supérieures, et que si les bêtes ne progressent pas, c'est qu'elles sont arrivées du premier coup à la perfection, tandis :jue l'homme tâtonne, cherche, change, détruit et reconstruit sans être parvenu encore à la stabilité de son intelligence, au but de son désir, à l'harmonie de sa forme?...