Extrait du journal
Pour de pauvres gens, passer un mois en prison, où l'on est nourri et chauffé, c'est une sorte de villégiature comparable au séjour que les heureux vont faire à la Côte d'Azur. La preuve que ceci est vrai, ajouterontrils, c'est qu'il y a des gens en nombre qui se font mettre en prison tout exprès pour passer la mauvaise saison. Au même tribunal de police correctionnelle, n'a-t-on pas amené, ces jours-ci, un individu dont l'aventure est fort plaisante, car il faut bien rire un brin en pareille matière. Cet individu, ouvrier sans travail, prend un fiacre à l'heure et va se promener au Bois de Boulogne, comme un milord. Quand il a pris l'air, il dit au cocher de le mener chez le commissaire de police, où il déclare qu'il n'a pas le sou pour payer sa promenade et demande qu'on le mette en prison. Mais, pour cela, il faut que le cocher porte plainte contre son client, et le cocher s'y refuse. Il connaît la Justice et ses formes. Il sait que, s'il porte plainte, il sera assigné comme témoin. Il sera convoqué au Palais de Justice par-une assignation,portant en tête.les mots « Police correctionnelle M, qui le rendra suspect à son concierge. De plus, assigné pour midi, il sera peutrêtre entendu à quatre heures du soir. Il a perdu une après-midi de travail : il n'a pas envie d'en .perdre deux ; et, ayant satisfait sa mauvaise humeur par quelques épithètes bien senties à l'adresse de son « client », il refuse de porter plainte. Sur quoi, le pauvre diable, dont l'idée fixe était d'aller en prison, se met, avec sa jambe de bois — car il était amputé — à casser les vitres d'une boutique. Cette fois, il fut satisfait. Le boutiquier, non sans avoir un peu rossé l'homme, déposa une plainte contre lui, et les juges le condamnèrent à trois mois de prison, chose dont il les remercia avec une bonne grâce émue. Le' fait, ajoutent les optimistes, se renouvelle assez fréquemment, surtout en hiver. Pourquoi nous apitoyer ?...
À propos
Fondé en septembre 1892 par Fernand Xau, le quotidien Le Journal fut l’un des titres de presse les plus importants au début du XXe siècle. Modéré, parfois frileux, il séduit une large audience populaire par son contenu littéraire de qualité et la collaboration de grandes signatures. D’une sensibilité républicaine à ses débuts, il s’en détache peu à peu pour adopter une ligne davantage nationaliste et anticommuniste – assurément de droite – sans jamais côtoyer les extrêmes.
En savoir plus Données de classification - mélie
- rabelais
- roland
- rathenau
- hugon
- stanley
- cie
- perraud
- chamberlain
- de sévigné
- stanley
- france
- londres
- paris
- berlin
- grèce
- chambre
- angleterre
- vancouver
- yokohama
- h. m.
- union postale
- faits divers
- lagrange
- sénat
- journal officiel
- siemens
- maison perret
- parlement