Extrait du journal

Nous étions arrêtés au sommet de cette vieille forteresse du Kialimegdan, où des inscriptions en langue turque nous font souvenir que les Ottomans l'occupaient encore en 1862. Ses bastions et ses parapets se dressent, renfrognés et inquiétants, malgré leur délabrement, à l'extrémité d'un cap qu'enlace le confluent du Danube et de la Save. Cette falaise fortifiée, cet escarpement naturel, où Fart des hommes a multiplié les enceintes crénelées, les fossés, les redans et îles poivrières, elle est restée un observatoire incomparable. Le soleil se couchait au lointain des plaines de Hongrie, noyées de brumes; solitudes incultes, rousses, désolées, sortes de landes humides où, parfois, paraissaient des vedettes de la cavalerie impériale. Les méandres, de la Save luisaient jusqu'au fond de l'horizon, dans cette nature mélancolique : beau fleuve calme où sifflent et meuglent des bateaux à vapeur et dont les eaux limoneuses exhalent au crépuscule des vapeurs bleues. En face de la citadelle du Kalimegdan, le confluent joue avec les tourbillons et les remous de ses ondes mêlées. Il est si vaste, avec ses îles plates et ses bancs de sable; les plaines basses qui le limitent au nord, du côté austro-hongrois, con-, tiennent tant d'immensité qu'on pourrait parfois le prendre pour un estuaire, pour le fond d'une anse marine....