Extrait du journal

Didier, — car c'est toujours ce petit nom que sans haine son cœur lui rappelle — Didier était de ces êtres charmants, légers, ayant le tempérament du vin de Champagne toujours prêt à casser ses ficelles au moindre rayon qui le chauffe. Au moindre sentiment féminin, il s'emballait convaincu que c'était Je grand amour et qu'il en aurait pour la vie. Il s'était emballé à ce point pour Suzanne Néris, une belle fille occupée quelque part au théâtre, que sans réfléchir à tout ce qu'il allait écraser, il l'avait emmenée, enlevée, quittant situation, famille, abandonnant avec on simple mot d'avis cette douée Henriette, qu'il avait épousée avec tant de conviction, (peut-être tant de véritable amour. Douce, elle l'était infiniment, pas très jolie, mais d'une telle bonté, d'une indulgence si attendrie pour les faiblesses des autres, que de ses yeux, de son visage, de toute sa personne émanait un rayonnement de charme. Malgré le crime de l'ingrat — qui n'avait même pas daigné apprendre où il était, — elle chérissait le cadre où ils avaient vécu ensemble, la maison où chaque objet pieusement conservé lui rappelait un souvenir. Elle vivait tà, dans ce rêve (l'un passé d'hier pourtant si douloureux, avec je ne sais quel espoir inconscient d'un avenir impossible....