Extrait du journal

en matin, dans leur village, les parents apprendront, par un sec imprimé, non affranchi, qu'ils n'ont plus d'enfant, et ce sera tout. Ils ne sauront jamais que, peut-être, se sentant malade, le petit aura été demander protection au chirurgien et qu'il aura été renvoyé brutalement, et que, le lendemain, on l'a irouvé mort, dans son lit, ou qu'il est tombé dans la cour, à l'exercice, durant ane marche, à sa faction. Ce drame est banal ; il est de tous les jours ; il remplit les colonnes de jouraux, aux faits divers. Et l'on finit par penser que cela doit être ainsi et que, après fout, un soldat est fait pour mourir et que c'est son métier ; qu'il meure à la caserne, bâillonné dans les silos d'Afrique, ou percé d'une balle sur le champ de bataille, qu'est-ce que cela fait, pourvu qu'il meure quelque part ? Les occasions ne lui manquent pas de mourir, et on les multiplie chaque jour avec orgueil : le surmenage, les marches forcées sous le soleil, l'immobilité dans la froidure, les viandes empoisonnées, les épidémies qu'on cultive comme des champs de vignes, pour les rouges vendanges ; et, surtout, les chirurgiens militaires imbus de cette idée héroïque que les soldats ne doivent jamais être malades....