Extrait du journal

A deux lieues de ma petite ville lorraine, en pleine forêt, il y eut jadis, sous l'invocation de sainte Houlde, un monastère où de pieuses filles de l'ordre des Clarisses vivaient dans la méditation et la prière. De ce couvent dont les clochers pointaient autrefois au-dessus des feuillées moutonnantes, il ne reste plus rien aujourd'hui qu'un dicton local, une fontaine et une grange. Le dicton est passablement irrévérencieux : - comme le monastère était situé à l'ouest de la ville, tes ménagères au temps de mon enfancé disaient encore, en voyant de gros nuages noirs s'amasser du côté du couchant : * Voilà les dames de Sainte-Houlde qui montrent leur derrière : il pleuvra demain. » — La fontaine, dont l'eau limpide bouillonne au fond d'une vasque de pierres moussues, est toujours réputée pour ses vertus miraculeuses. Le lundi de Pâques, les populations des villages voisins y viennent en pèlerinage ; les filles y jettent des épingles pour savoir si elles trouveront bientôt un mari ; lorsque l'épingle surnage un moment, c'est bon signe : elles se marieront dans l'année. Alors, ragaillardies par cet heureux présage, elles vont, l'après-midi, danser dans la grange, et reviennent à la brune au bras de leur amoureux....