Extrait du journal

Il y a quatre ans, en 1893, quand elle jaillit pour la première fois de l'ombre, telle une lueur d'orage, si subite et si imprévue qu'instinctivement tous les yeux se fermèrent, éblouis, s'attendànt à la retrouver évanouie, je fus un des premiers à prôner et célébrer, devenu lyrique d'enthousiasme, la magie de rythme et de clartés de la nouvelle apparition. Etait-ce une danse, une projection de lumière, une évocation de quelque spirite? Mystère. Une fleur de rêve avait surgi des ténèbres, une fleur de rêve (car pouvait-on donner le nom de femme à cette fumée d'étoffes longues et légères que le moindre mouvement soulevait en lumineuses nuées). Etait-ce un être humain que cet écroulement de nuances mouvantes et mourantes et de transparences de gazes et d'éther?. Les teintes et les nuances s'éclairaient et s'éteignaient tour à tour, développées tantôt spirales, puis soudain agitées comme des ailes, puis écroulées en capricieuses volutes ; puis, au milieu de ce flot de vapeurs et.de voiles, un buste de femme émergeait, des épaules et dès bras nus saluaient, penchés vers le public, la Loïe, brusquement apparue entre les pétales énormes d'une violette....