Extrait du journal

Ce soir, ce soir, une femme courait, courait, courait le long du canal, dans la ligne, d'ombre d'abord puis de lumière et d'ombre encore et encore de lumière, puis d'ombre, des réverbères l'un après l'autre qui s'en allaient le long du canal bien plus loin que la ville. Il n'y avait personne sur les quais. Des cabarets à gauche, à droite, tendaient des cotonnades rouges où noircissaient comme des ombres chinoises des visages et des bras levant des verres. Mais il n'y avait personne sur les quais, personne non plus sur l'étroite et sombre eau longue où les bateaux immobiles ressemblaient à de longs tombeaux de bois, à des tombeaux sans morts même , tant, d'être si immobiles et si silencieux, ils semblaient vides. Et, au ciel non plus, il n'y avait personne, pas même de nuages; c'était un ciel tout noir, dont le noir n'était pas fait de nuées opaques ni de nuit ; un ciel qui devait être noir comme ça, touj ours , naturellement....