Extrait du journal

DEPUIS quelques semaines une nouvelle offensive des affames publics se dessine et se fait cruellement sentir. En plein cœur du troisième hiver après la fameuse libération, la crise alimentaire présente un caractère tragique. Les boucheries parisiennes sont vides depuis trois semaines, la viande n'arrive plus et les parisiens sont condamnés par force à un régime végétarien. La situation du vin n’est pas plus brillante. On distribue actuellement les rations de novembre ou décembre, et les services du ravitaillement ne •ont pas sûrs de pouvoir assurer à l'avenir la répartition mensuelle ordinaire. Les pommes de terre qui actuellement devraient être le fond de notre alimentation ont totalement disparu du marché malgré leur augmentation de prix. La ménagère qui rentre chaque jour au logis le panier vide, voit apparaître le spectre de la faim pour elle et sa famille. Deux ans et demi après le départ de ceux qui, paraît-il, nous mangeaient tout, nous constatons, hélas, que nos rations alimentaires continuent à s’amoindrir. Le régime de sous-alimentation auquel nous avons été soumis depuis le début de l'occupation s’accentue toujours un peu plus. Jusqu’où cela a-t-il aller? Sommes-nous condamnés à crever par suite des criminels agissements, conscients ou inconscients, de ceux qui possèdent et de ceux qui prétendent nous diriger ?...