Extrait du journal

On dirait vraiment que ce malheureux Opéra-Comique était devenu comme une sorte de champ d'expérience uniquement destiné à servir de proie à toute une série de faiseurs et d'intrigants, qui, tous, sans avoir le premier sou, venaient là tenter la fortune, avec le mépris le plus complet non seulement de l'art et du public, mais de leur honneur et des intérêts d'autrui. Nous avons vu Ducis, cet ancien militaire, prendre audacieusement sans y rien connaître la direction de ce théâtre, et opérer ce tour de force de la faire durer vingt et un mois (6 septembre 1828 — 45 juin 1830) à force d'intrigue, de mendicité administrative, de procédés peu scrupuleux, pour, enfin de compte, aboutir à un désastre et à un effondrement. Après lui c'est Lubbert,chez qui une expérience réelle ne pouvait tenir lieu des ressources indispensables, et qui en était à ce point dépourvu que sa première administration put à peine durer trois mois et demi (3 mai — 14 août 1831). Revenant à la charge après une première défaite et toujours dans les mêmes conditions, Lubbert recommence, et cette fois ne peut tenir au delà de deux mois (8 octobre — 8 décembre 1831). Enfin arrive Laurent, qui, lui aussi pourtant, avait la pratique des affaires théâtrales, et qui n'atteint même pas tout à fait les deux mois de son prédécesseur, puisqu'il sombre au bout de cinquante-neuf jours (14 janvier — 13 mars 1832). Cela n'est-il pas navrant, et conçoit-on l'incurie de l'administration supérieure, qui, sans y regarder de plus près, accordait coup sur coup la direction d'un théâtre tel que l'OpéraComique à des hommes évidemment incapables de justifier des ressources nécessaires à son exploitation?...