Extrait du journal

Palestrina procède évidemment des compositeurs du seizième siècle; il ne faut donc pas trop se hâter de lancer l'anathéme sur ces pauvres musiciens et de les tourner en ridicule ; à côté de graves défauts, ils offraient des qualités estimables ; la solidité de leurs études servit pour ainsi dire de base a cette belle école d'Italie qui se répandit plus tard par tout le monde musical et donna naissance à tant dïllustres maîtres ; et d'ailleurs, n'est-ce pas l'excès même de cette qualité qui les perdit? n'est-ce point par un désir immodéré d'approfondir toutes les combinaisons harmoniques , qu'ils en vinrent à confondre les limites de l'art avec la science, et à prendre la forme pour le fond ? On plaisante agréablement sur l'aridité de leurs travaux,, sur la stérilité de leurs conceptions, mais on oublie ce qu'ils avaient de bon et d'utile ; on ne veut pas se rappeler que si, parfois, ils ont pâli sur de puérils logogriphes, sur de misérables arguties scholastiques, il ont aussi trouvé la formation et l'enchaînement des accords, les ressources du contre-point > le style en imitations et enfin la Fugue elle-même, toutes inventions qui ont traversé les siècles, et de nos jours encore, toutes réputées excellentes, lorsqu'on sait les employer avec discernement. Ah ! messieurs les modernes, vous faites les superbes ! vous déblatérez contre les vices de l'ancien système ! c'est fort bien fait à vous ; mas alors , rejetant ce qu'il avait de mauvais , ce vieux système, pourquoi n'en avoir pas gardé ce qu'il avait de bon ? Savez-vous . bien que le plus mince écolier de ce temps en remontrerait à nos plus habiles? c'étaient, dites-vous, des machines à calcul sans imagination, tandis que vous vous possédez le feu sacré; plût au ciel, que le savoir calculateur de ces machines, que vous prenez en pitié, vînt régler plus souvent les écarts désordonnés de votre verve ! Quelles admirables oeuvres sortiraient de ce mélange, et quels grands...