Extrait du journal

Un choix qui confirme l’échec des missions Léon Bérard TOUT sentiment de la mesure n'est pas perdu en France. L'envoi du maréchal Pétain à Burgos cho quera donc comme une faute de goût. C'est aller vraiment trop loin dans l'empressement, dans la suren chère, dans la flatterie. Un tel ambassadeur juche tout de même un peu trop haut l'apprenti dictateur auprès de qui on l'accrédite. Le plus noble, le plus humain de nos chefs militaires n'est pas à sa place auprès du général Franco, quand, hier encore, les divisions de choc italiennes défilaient en tête de la parade de Bar celone, quand on doit redouter pour demain, dans toute l'Espagne conquise, la plus atroce répression. L'excès en tout est un défaut, à commencer par l'excès de zèle. L'erreur me paraît donc certaine. On m'assure d'ailleurs qu'elle est assez généralement sentie. Mais je peux ajouter, pour ma part, qu'elle n'est nul lement fortuite, qu'elle signifie quelque chose et que même son sens est important. Car enfin, pourquoi le chef du gouvernement a-t-il éprouvé le besoin d'envoyer au général Franco « ce qu'il y a de mieux », l'homme qui, par son passé, son caractère, le respect général qu'il inspire, a chance d'exercer sur lui le plus d'ascendant ? Pourquoi a-t-il combattu la résistance du maréchal Pétain en faisant appel à son patriotisme ? La raison est évidente : c'est que tout reste à faire à Burgos ; c'est que, jusqu'à présent, la France a tout cédé, ou même tout offert sans rien obtenir en retour, soit en ce qui touche l'évacuation de l'Espagne par les contingents étrangers, soit en ce qui touche les garanties élémentaires d'humanité. Ainsi le choix du maréchal Pétain enregis tre l'échec des missions qui ont précédé la sienne. Il enregistre l'échec de la « recon naissance sans conditions. ». Nous n'avons pas besoin de chercher d'autres preuves : le...