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Le Midi socialiste, 17 mars 1939

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Le Midi socialiste
17 mars 1939


Extrait du journal

NOUS ferons grâce au malheureux peuple tchèque de protes tations d’affliction dont il sait combien elles seraient ardentes et sincères de notre part, mais que notre qualité de Français nous Interdit : Ceux qui ont laissé s’effectuer en septembre, en dépit de promesses solennelles et sacrées, le dépècement de la Tchécoslovaquie, et qui se sont par là même enlevé jusqu'à la plus petite possibilité de faire obstacle à son anéantissement, n’ont pas le droit d’infliger encore aux captifs d’aujourd’hui la comédie de larmes dérisoires. Nous ne nous abstiendrons pas moins de nous répandre en propos indignés sur l’inimaginable rapine à laquelle vient de se livrer le Reich hitlérien. Four pouvoir se scandaliser encore, il faudrait avoir cru que la répudiation du traité de Loeamo, que l’annexion de l’Autriche, que le rapt des cantons sudètes n’étaient pas les preuves éclatantes, chez les dirigeants nazis, d’une folie de domination qui ne reculerait devant aucune iniquité. Il fau drait avoir cru aux jérémiades, aux plaidoyers ou aux vaines promesses derrière lesquelles Hitler n’a cessé de dissimuler aux nigauds les véritables mobiles et les buts lointains de ses coups de force successifs. N’étant point dans ce cas nous laisse rons les grands mots et les mines défaites à ceux qui se sont éveillés hier matin à la réalité. Notons seulement que l’ampleur de l’action allemande a cette fois dépassé les prévisions les plus pessimistes. Avec son assu rance ordinaire, M. Flandin déclarait dimanche à Dijon : « Les échos qui sont parvenus de Londres ces jours derniers sont beaucoup plus optimistes quant à la situation internatio nale. C’est un fait que les prophètes qui ont tant travaillé et travaillent encore à alarmer l’opinion française voient démentir une à une leurs sinistres prédictions ». 11 peut voir aujourd’hui à qui les événements ont donné un humiliant démenti. L’Allemagne ne s’est pas contentée de proclamer l’indépendance de la Slovaquie pour la faire tomber sous sa propre coupe; elle n’a pas seulement jeté l’Ukraine earpathique en pâture à la Hongrie; mais, encore, au lieu de se borner, comme le redoutait notre pessimisme, à renforcer à nouveau la pesante suzeraineté qu’elle exerçait déjà sur l’Etat tchèque, Hitler a purement et simplement effacé de la carte de l’Europe, en l’incorporant au Reich, ce qui restait de la Tchéco slovaquie. Il a purement et simplement supprimé sans l’ombre même d’un prétexte une nation digne, tranquille et civilisé d entre toutes. Il a conquis uniquement pour conquérir. Faut-il rappeler que clans tous ses derniers discours, Hitler avait attendri les bonnes âmes en proclamant que s’il était allé intrépidement de l’avant pour réunir au Reich les quelques mil lions d'Allemands qui étaient encore hors de la « communauté nationale-soclaliste », jamais 11 ne jetterait son dévolu sur des populations d’une race autre qu’allemande ? H n’en a pas moins annexé, hier matin, sept millions de Slaves qui voulaient rester Slaves. Fera-t-il un jour un cas analogue de la renonciation définitive à Strasbourg, avec laquelle il a bercé la France au moment même où il se jetait sur les cantons sudètes ? Four l’instant, en tout cas, constatons qu’il vient de se mettre en mains de sérieux, de redoutables atouts. Il a d’abord réduit à néant, et pour toujours, l'armée tchèque, dont il pouvait appréhender une vague menace en cas de conflit européen. Il a fait main basse sur son matériel et sur ses quelques centaines d'avions. Toute l'économie tchèque, si riche, si labo rieuse va être mise au service des fabrications de guerre alle mandes, et la lourde poigne du nazisme contraindra les ouvriers tchèques à travailler dix ou douze heures par jour pour armer davantage encore la Iteichslieer. Au point de vue diplomatique, le Reich hitlérien ne va pas seulement accentuer encore la terreur qu’il inspirai: déjà à tous les petits Etats dont il est 1« dangereux voisin, la Hongrie, la Yougoslavie, la Pologne; il ne va pas seulement se trouver à même de leur imposer toutes ses volontés; mais en abandonnant à la Hongrie l’Ukraine Carpathique, et en permettant la créa tion d’une frontière commune entre la Pologne et la Hongrie, il va donner tous les prétextes à Varsovie et à Bucarest pour jouer le jeu de l’axe dans la prochaine crise européenne. Dés les premières heures de l'affaire slovaque nous avons fait prévoir que tel serait l’un des dénouements du drame. Nous avons ajouté que l'abandon à la Hongrie de cette Ukraine car pathique, qui est une admirable plate-forme vers l'Ukraine russe, signifierait qu’avant de s’élancer vers l’Est, Hitler voudrait d’abord frapper à l’Ouest le coup pour lequel il a besoin de la complicité des petites nations de l'Europe Orientale. Avec une assurance semblable à celle de M. Flandin, à Dijon, M. Jean Mistler, président de la Commission des affaires étrangères de la Chambre, n’en persistait pas moins à déclarer encore dimanche à Satnt-Gaudens : « Je ne crois pas que l’Allemagne ait en ce moment des intentions hostiles contre la France. Ce qu'elle parait préparer c’est la dislocation de la Russie par la mainmise économique sur l’Ukraine ». On veut espérer, pour M. Jean Mistler. qu’il ne renouvelle rait pas aujourd’hui cette effarante affirmation : les événements de ces trois derniers jours ont trop cruellement dénoncé l’erreur dans laquelle la propagande de M. Georges Bonnet s’e

À propos

Lancé en 1908 sous le patronnage d'A. Bedouce, député SFIO, Le Midi socialiste était un quotidien de gauche édité à Toulouse. En 1910, Vincent Auriol en devient le rédacteur en chef. Malgré ses vélléités de grand quotidien régional, Le Midi socialiste se vendait essentiellement dans Toulouse même, où son tirage était par ailleurs relativement faible.

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