Extrait du journal
QUAND mes camarades du « Populaire » m’ont fait part des rumeurs qui commençaient à courir jeudi soir, quand ils m’ont assuré que le gouvernement, au lendemain de l’entrée de Hitler à Prague, se préparait à demander les pleins pouvoirs à Paris, j’avoue que je me suis longtemps refusé à les croire. Non, la nouvelle était par trop absurde, par trop indigne de créance. Après Sedan, comme disait hier Marcel Bidoux, il y a le 4 Sep tembre, pas l’Empire. Mais l’invraisemblable est parfois vrai. Le gouvernement Daladier a demandé les pleins pouvoirs. Son chef a tenu à la Chambre un tel langage que cette demande de pleins pouvoirs prend même un caractère absolument nouveau. Ce qu’il a esquissé à la tribune, c’est le plan d’une démocratie « sans contradictions ni opposition », c'est-à-dire d’une DEMO CRATIE TOTALITAIRE, c'est-à-dire, car les mots jurent ici d'être accouplés ensemble, d'une dictature personnelle. Les pleins pouvoirs, ça n'a rien de neuf, hélas 1 Nous avions été contraint de les proposer nous-même. Mais ce qui est inouï, c'est qu'ils soient réclamés par les mê mes hommes POUR LA TROISIEME FOIS en moins d'un an. Ce qui est inouï, c'est qu'au lieu de se limiter à des mesures d'ordre monétaire et financier, qui peuvent exiger en effet la célérité et le secret, ils soient définis dans des termes tels que M. Daladier serait demain libre à son gré : de bouleverser les lois fondamentales de la République ; de promulguer le budget et par conséquent de congédier le Parlement ; de bâillonner la presse ; de changer le système électoral ; de proroger la durée du mandat législatif ; de dissoudre les partis politiques, etc., etc... Ce qui est inouï, c'est que cette entreprise de dictature per sonnelle ose s'abriter derrière les nécessités de la défense mili taire du pays alors que le Parlement n'a jamais rien refusé à l'HOMME QUI LA DIRIGE SANS CONTROLE ET SANS PAR TAGE DEPUIS TROIS ANS, alors qu'il voterait demain, sans op position ou même sans débat, toutes les mesures indispensables. Ce qui est inouï, c’est de réclamer cette autorité despotique au nom d'un gouvernement dont l'imprévoyance et la faiblesse éclatent à tous les yeux, et comme conséquence d'un désastre national dont il porte la responsabilité essentielle. Mais il y a quelque chose de plus inouï encore, c'est que, dans la Chambre républicaine, il se soit trouvé une majorité pour créer la dictature et pour la remettre aux mains d'un gouvernement dont, il y a trois jours, à la nouvelle du désastre de Prague, per sonne, JE DIS PERSONNE, n'admettait que la présence fût con cevable ou supportable une heure de plus. Le vertige gouvernemental a gagné le Parlement. Il ne faut plus compter, une fois de plus, que sur la volonté populaire pour assurer à la fois le salut du pays et le salut de la République. LEON BLUM....
À propos
Lancé en 1908 sous le patronnage d'A. Bedouce, député SFIO, Le Midi socialiste était un quotidien de gauche édité à Toulouse. En 1910, Vincent Auriol en devient le rédacteur en chef. Malgré ses vélléités de grand quotidien régional, Le Midi socialiste se vendait essentiellement dans Toulouse même, où son tirage était par ailleurs relativement faible.
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