Extrait du journal

« Rêve de mer », dit la poupe d'un canot du quai ; Marseille tout entière rêve de mer, mais sans désirer que ce rêve devienne une réalité. Non loin de là, les équiper de yachts, les négociants en vernis et étoupes, les astitueurs de cuivres, assis sur des voiles en paquets, les marchands d’oursins et de clovisses de la rue Fortia, les photographes-minute, les vendeurs de cacahuètes, les gamins à faciès kabyle qui se battent à coups de galoches, les modères, les Arméniens tailleurs d’habits coloniaux, les cireurs de bottes, les Salomés algériennes, guettant derrire leurs grilles, comme des fauves, les Israélites ottomans, les revendeurs de vieux dentiers, les sidis à fiez, les nègres à cotte bleue de mécanicien, évocateurs des rivages lointains aux- j quels ils n’ont aucune envie de retour- ! nem, tous, et les marins eux-mêmes | préfèrent Marseille à la mer. Marseil- ■ le à la France, à tout... Quai du Parti (du parti socialiste, naturellement) quai des Belges, quai de Rive-Neuve, quai du Port, que de quais pour ne pas partir ! Serai-je le seul à considérer Marseille, porte de l’Orient, comme une porte qu’on ouvre et qu’on referme1 derrière soi ?...