Extrait du journal

inefficaces ; je fus entre la vie et la mort, vingt longs jours, durant lesquels mon père ne quitta pas une minute mon chevet. Les officiers du régiment partagèrent ses veilles ; il leur semblait que la mort ne pouvait me ravir à son affection, entourée de tant d’amis. Les soldats me portaient également un grand intérêt . Peinés d’apprendre que le docteur désespérait de me sauver, ils s’in formaient entre eux dans la chambrée si je ne guérirais pas bientôt, et se questionnaient sur leur savoir en médecine. — Ah ça, dit le plus ancien, ne connaissezvous pas un remède souverain contre la ma ladie dont est atteinte la petite fille de notre lieutenant, un brave, quasiment fou de dou leur de la perte de sa femme, et qui succom bera sous le coup de ce second chagrin ? — J’en connais un, moi, répondit un jeune soldat. Il est à notre disposition : j’ai foi en lui, il rend la santé. — Quel est-il ? — Celui-ci : Chez nous, un quelqu’un affligé de la fièvre ne court pas bêtement consulter les médecins, — des gens qui vous prennent votre argent et vous laissent la ma ladie : c’est connu. —Il fait un vœu à sainte Anne d’Auray, allume à ses pieds un grand cierge de cire, et tant qu’il brûle, il récite des Ave Maria, nonobstant quoi, la bonne sainte le guérit net. — C’est infaillible, interrompit un cama rade ; ma vieille mère l’emploie quand ma sœur est malade, et il ne manque jamais son effet. — Faisons-en l’essai, s’écrièrent en chœur les militaires. — Je ne demande pas mieux, dit le vieux soldat ; pour payer le vœu, je vas retirer de dessus ma tète le schako qui me sert de gibus, je vas vous le tendre en manière de boursicot, vous verserez clans son fond l’ar gent que vous craignez de mettre à la caisse...