Extrait du journal

Eût-on pensé, après la guerre, qu’Emile Ollivier. dont le nom ne soulevait que des colères, qu’écrasait vraiment l'impopularité, qui semblait, portant de si lourdes responsabilités, condamne il l'expiation, au moins par le silence, reparaîtrait un jour, usant de la longue vieillesse qui lui était accordée, non seulement pour se défendre, pour tenter la justification paraissant la plus difficile, mais pour faire son apologie, en attaquant. a son tour, avec une âpreté singulière, en rejetant sur d’autres les fautes dont l'accuse l'Histoire ? Qui eût cru, alors, qu'il serait écouté, s’il ne pouvait convaincre ? Primo, vivre, dit l’adage latin, « d’abord, vivre ». Il trouve son application dans cet exemple. Par quelle loi. immorale en elle-même, le temps diminue-t-il, en quelque sorte, la culpabilité, pendant qu'un homme est encore de ce monde ? Il y a une lassitude, des haines : les témoins directs disparaissent peu à peu, les générations qui viennent n’ont plus la même faculté d'indignation . Puis, si, selon le mot de Beaumarchais, il reste toujours quelque chose de la calomnie, il reste aussi quelque chose d’une inculpation énergiquement poursuivie, fût-ce malgré l’évidence des faits. Et cependant, ce n'était pas la pitié que demandait Emile Ollivier pour les grandes erreurs qui avaient précipité son pays dans les pires catastrophes. La terrible leçon des événements ne lui avait ri< n ôté de cette étrange infatuation qui fut la caractéristique de sa personnalité, et. qui, au début de sa carrière politique, faisait dire au vieux Goudchaux, l’ancien ministre de 48 : « Jeune homme, vous n’ôtes encore qu’un intrigant : prenez garde de n’être pas pire »....