Extrait du journal

Un comité d'écrivains vient de se for mer dans le but d’élever un monument au poète Alfred de Vigny. On ne peut qu applaudir à leur initiative, car c'est là un hommage qu’il était juste, qu'il était nécessaire de rendre au génie de l'un de nos plus grands poètes. tandis que Victor Hugo, Lamartine et Musset s’érigent sur nos places publiques, en bronze et en marbre, le grave auteur des Destinées, leur illustre confrère, avait été oublié par les sculpteurs. On a raison de réparer cette trop longue injustice, et le moment est bien choisi d’élever un monument à ce soldat, qui a si vigoureusement décrit la grandeur et la servitude militaires et dont l’œuvre est, en résumé, une sereine épopée du devoir. Nul n'a mieux que lui parlé de l’armée, ce « couvent nomade », comme il l’appelle, où l’on a conservé les vœux d’obéissance et de pauvreté. Il a, dans des pages immortelles, parlé de la vie étroite de garnison, si mesquine en apparence, mais si noble à cause de l’idéal quelle elle renferme, et l’on a pu dire avec vérité que ce poète alliait à la profondeur d’un Pascal le stoïcisme d’un MarcAurèle. Sa statue sera donc à sa place, dans l’un de nos jardins publics, car elle rappellera aux générations présentes et futures une belle œuvre et une noble vie....