Extrait du journal

Se douterait-on qu’en temps de neige* ou quand une bise glaciale mord les oreilles, bleuit les nez, raidit la peau et congèle l’haleine sur les poils de la barbe — il y avait encore d’intrépides chercheurs de livres qui guettent sur les quais de Paris (ceux de la rive gauche) les boîtes à bouquins restées encore ouvertes et s’y précipitent comme des moineaux sur une poignée de grains ? En voilà des braves gens, de la catégorie héroïque dont Victor Hugo a mis un prototype en scène dans ce vieux qui ruiné, affamé, hanté d’idées de suicide, se jette parmi les insurgés de 1832 et court à la mort, blême et farouche avec un éclair dans les yeux. J’y pensais en voyant les amateurs — vieux, jeunes, parfois des femmes au clair regard et au doux sourire — enfoncer leurs mains au milieu de ces livres multiples qui sont une si charmante distraction pour les flâneurs des quais d’Orsay, Voltaire, Conti, des Augustins et Saint-Michel,—...