Extrait du journal

Quelques secondes après, Dreyfus apparaît à la petite porte de droite, suivi par le capitaine de gendarmerie Arrault. Toutes les têtes se tendent vers lui, comme pour vérifier sur son visage, dans sa démarche, dans son allure, l’exactitude des racontars qui s’obstinent, depuis le huis clos, à le représenter malade, affaissé, découragé, pitoyable, cette pauvre a loque humaine », en un mot, dont parlait j l’autre jour M. Maurice Barrés. J’avais raison I de vous tenir en garde contre ces insinuations intéressées. Dreyfus est de ces morts qu’on tue, mais qui se portent assez bien. Il a le teint plus reposé que le premier jour, le regard plus vif et, notez ce détail, les épaules moins basses. D’un pas ferme et rapide il gravit les degrés de l’estrade, salue militairement ses juges, va se poser debout devant ses défendeurs, puis s’assied, face au conseil, lo képi, qu’il tient de la main gauche, posé sur les genoux....