Extrait du journal
Dans cct admirable panorama qui environne aint-Jean-de-Luz, en compagnie de Paul Faure, un des rares artistes qui, avec Loti, aiment et comprennent le pays basque, je suivais hier la route qui mène de Ciboure à Urruque. C était l’heure de grand silence où le jour finit. A notre droite, à notre gauche, des prairies accidentées, toutes vertes encore malgré l’automne, se fonçaient peu à peu, devenaient indistinctes, dans le déclin de la lumière, avec.çà et Ut, des taches pâles de choses vagues qui étaient des maisons. Les montagnes qui limitaient notre vision, les montagnes vaporeuses et presque perdues dans le ciel crépusculaire, nous jetaient dans lame un étrange sentiment de solitude et de rêverie. Prisonniers de ces ombres, enclos par elles, nous allions sur cette route où des lueurs dernières traînaient encore, sans force, comme on s’allonge pour mourir. Un peu de brouillard imprégnait l’air dont nous sentions, sur notre visage et sur nos mains, l'humidité pénétrante. Lt des feuilles mortes avaient, sous nos pas, ce bruissement triste qui dit que le soleil est parti avec les journées radieuses, avec les fleurs, avec les plantes, avec les clairs matins suivis do soirs I sereins. Alors, dans cette lente destruction des I choses, dans cette désolation de tout ce qui finit, dans ce paysage hallucinant et fantomatique, dans cette demi-nuit, dans cette obscurité sans nom qui pouvait aussi bien être celle du cmj agencement que de la fin du monde, d ou nous venait cette force alerte et vivace de nos membres-, et cet éveil de tous nos organes qui nous faisait percevoir au loin, très loin, la chanson d’un pâtre regagnant son village dans le mystère de la montagne ? Je ne sais. D’autres bruits, plus proches, se faisaient entendre, menus bruits, humbles sons dont il était impossible do n être pas ému : douces sonnailles d’un troupeau de vaches, tintement grave de la vieille cloche d’Umique. Comment dire la poésie pastorale et auguste qui en émanait et cette sorte de respect religieux dont elle nous saisit? Déjà le troupeau passé, les dernières vibrations de la cloche éteintes dans l’espace, le paysage retombait à son silence et à son immobilité. Le squelette d’un arbre nous frappa par sa fixité apparente. Il semblait figé là, dans l’air, éternellement. Et tout semblait figé autour de lui, l'air lui-même et les ténèbres, pendant que s'opérait pour des lendemains lumineux le sourd travail des forces de la vie, do ces mêmes forces qui firent succéder les printemps aux hivers depuis les milliers d’années que notre terre i existe. Or, nous songions que ce pays, plaines lot monts, dont la physionomie n’a pas varié 'avec les temps a conservé à scs habitants la même âme qu’au premier jour....
À propos
Le Petit bleu de Paris est un journal illustré ayant paru entre 1898 et 1940. Il est fondé par les frères journalistes Charles et Gustave Simon. Émile Blavet en est un temps le rédacteur en chef. Le journal fait partie des premières publications françaises à utiliser une linotype. S’il commence par paraître quotidiennement avec des dizaines d’illustrations, des considérations financières lui imposeront de changer de fonctionnement. Durant son existence, il paraîtra selon différents périodicités et formats, mais son tirage restera limité à quelques milliers d’exemplaires.
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