Extrait du journal

Tout là-bas, ù Saxon-les-Bains, à la IrontiiVe, Dans un site lugubre ainsi qu'un cimetière, Sous les sapins flétris où soupire le vent. Beaux dans leur sacrifice et sans inquiétude, Trente moines au fond de cette solitude, D'un casino désert ont construit un couvent. Et pour louer le Christ, douloureuse ironie, Du théâtre ils ont fait la chapelle où l’on prie. Où percent aux murs gris, les décors d'autrefois, Sous ceo lambris déteints où l’on riait naguère S’accomplit maintenant le drame du calvaire. Au Temple du Plaisir vient se dresser la Croix 1 Poètes irfrmortels des louanges divines, Les moines, chaque nuit, vont là chanter matines Dont les versets' vers Dieu, montent eroves et (lents 1 Mais ce soir leur cantique a des reflets d’aurore. On dirait un écho lointain, plus doux encore... Et l’on sent un frisson passer sous les frocs [Blancs 1... Hosannah ! C’est Noël ! Noël et l’Espérance 1 Dans les psaumes du chœur, les Exilés de France Entendent tressaillir la voix des carillons ! Ce murmure berçant qui vient de la patrie Et, glisse avec amour dans leur âme meurtrie Semble un ordre du Ciel qui leur redit : « Prions 1 » Comme ils faisaient jadis dans leurs stalles gofThiques Humbles et le front bas, les moines héroïques Se frappent la poitrine et prient à deux genoux 1 Us prient pour le puissant afin qu’il sc souvienne Que la douleur du pauvre est encore la sienne. Pour leurs persécuteurs, pour leurs amis, pour [nous ! C'est Noël 1 C’est la Vierge au mystère sublime. La messe a commencé simple, suave, intime Et le recueillement plane dans le saint lieu. Tandis que l’Introït sous la voûle s’élance. Les diacres, l’Abbé gravissent en silence Les degrés de l’autel où va renaître Dieu ! « 0 peuple épouvanté pourquoi frémir de crainte ? » Clame le chant joyeux qui n’csl là qu’une plainte. Et par delà les monts le vent redit tout bas : « Craignons Dieu qui punit si son cœur ne s'a[paisc ! » Car nous avons chassé de la terre française Les moines qui souffraient pour ceux qui ne [croient pas I Devant ce souvenir oui vient susncnd.ro â peine Leur contemplation immuable et sereine Les moines prient encor, toujours, plus que jafmais !... Et dans le Gloria qui meurt sous la nuit fraîche Ils adorent, pieux, l’Exilé de la Crèche ! Rien ne saurait troubler leur âme ! Ils ont la paix I Terribles ont sévi la mort et la fempôle Pour ces bannis du siècle ! Ils ont courbé la tète Et refait près de Dieu leurs serments solennels ! L'ouragan peut souffler sur leurs bures austères Sans changer un seul mot au fond de leurs [prières Sans déranger d'un pli ces linceuls éternels !...