Extrait du journal
C’est fini. Samedi, à deux heures du matin, apres une séance commencée la veille à deux heures de l’après-midi, suspendue pendant une heure et demie, la Chambre a voté, comme conclusion, comme sanction des actes qui avaient contribué à la remise de l’affaire Rochette, l’ordre du jour suivant : « La Chambre, prenant acte des consta tations de sa commission d’enquête, réprou vant les interventions abusives de la finance dans la Ipolitique et de la politique dans l’administration de la justice, affirme la nécessité d’une loi sur les incompatibilités parlementaires et résolue à assurer d une manière plus efficace la séparation des pouvoirs, passe à l’ordre du jour. » Cet ordre du jour est la condamnation formelle de MM. Caillaux et Monis, dont les « interventions abusives », avouées par eux et surabondamment démontrées, ont été « constatées » par la commission d’en quête. La Chambre « réprouve » ces ma chinations. Ce \erdict de moralité produira dans tout le pays une sensation profonde. Au lendemain des pénibles débats aux quels nous venons d’assister, le gouverne ment, comme le pays, s’est trouvé en face de condamnations morales n’enlrainant pas de sanctions effectives — autant dire en face d’un néant pénal. Dans le désarroi dont il fit.si souvent preuve au cours des récents événements, ce pauvre ministère s’est demandé comment il pourrait main tenant se tirer d’embarras. Aujourd’hui, il se tourne vers ses fonctionnaires — les seuls qui n’aient que le droit de se taire et de tout supporter. Certes, on peut soutenir qu’il est malaisé de laisser à la tête du parquet général de la Seine un magistrat qui, malgré toutes les excuses que chacun lui accorde, fut entraîné à manquer de caractère. Les mœurs politiques, les mauvaises habitudes prises, le laisser-aller général, tout plaide en sa faveur les circonstances atténuantes. Disons plus encore : peut-être, dans l’état présent des esprits, chercherait-on long temps avant de trouver un héros qui fût capable de résister aux puissants et de leur tenir tête au nom des grands principes. Mais, nous dit on, il faut faire triompher le droit contre les individus. Voilà dans quelle impasse on se trouve pour avoir fait échapper à la justice les au teurs réels du scandale. M. Jaurès, avec ses moyens captieux, a voulu démontrer que si l’en renvoyait M. Monis et M. Caillaux devant la juridiction compélenle, on serait contraint de frapper d’une peine égale « corrupteurs et corrompus ». Quelle in justice, s’écriait-il, puisque vous compre nez vous-mêmes que « les corrupteurs » sont beaucoup plus coupables que « les corrompus »r et que ceux-ci feront bénéfi cier ceux-là de la bienveillance du tribunal! Et alors, le résultat de tous ces sophismes sur l’application hypothétique des lois, c’est tout simplement la condamnation des « corrompus » et l’immunisation des « cor rupteurs » ! Que se fùt-il passé si, conformément au Code pénal, on avait déféré les coupables à la cour d’assises et non à la correctionnelle comme on l’a dit faussement à la tribune de la Chambre ? L’application de la dégra dation civique, c’est à-dire la privation de toute fonction élective et publique. Un point, c’est tout. Voilà la terrible « peine corpo relle » que l’on a voulu éviter à M. Monis et à M. Caillaux. A quel prix ? Leurs comparses, M. Fabre et M. Bidaultde I Isle vont le savoir, car il seront seuls à payer... Mais la solution la plus inattendue, la plus illogique et la plus déconcertante, c’est que le gouvernement prenne sur lui d’atteindre des magistrats a près avoir perdu l’autorité qui lui eût permis de s’ériger en juge. Jusqu’au bout, il s’efforça de préser ver « les amis », et le voici qui deviendrait d’autant plus sévère qu’il fut moins impar tial ! Le pays en serait indigné. Il apprendra déjà avec stupeur qu’à l’heure même ou M. Caillaux se propose de nouveau aux suffrages de ses électeurs, les deux magistrats dont l’unique faute consiste à lui avoir cédé trop facilement, sinon obéi, sont à la veille d’être frappés après une carrière honorable où l’on ne relève que ce fléchissement. # * * Le Radical se proclame satisfait de la besogne accomplie par la législature finis sante. « Œuvre considérable et féconde »,...
À propos
En 1841, Le Petit Courrier de Bar-sur-Seine prend temps la suite de la Feuille d'affiches, petite gazette spécialisée dans les annonces et les avis divers du village de Bar-sur-Seine, dans l'Aube. Devenu titre hebdomadaire – puis bihebdomadaire à partide de 1885 –, le journal disparaîtra en 1916.
En savoir plus Données de classification - caillaux
- poincaré
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