Extrait du journal

noël. Chacune des prunelles du nègre demanda : Pourquoi? — Quelle est la raison qui fait que M. le mar quis tient à ses chevaux? continua de Maurange, c’est qu’ils sont bien portants, beaux et bons à la fois, n’est-il pas vrai? — En effet. — Mdcz donc votre verre, vous ne buvez pas. Garçon, garçon, une seconde bouteille. Celle-ci ne se fit point attendre. Georges remplit les verres et reprit : — Que faudrait-il donc qu'il arrive pour que M. le marquis consentit à vendre ses chevaux? Qu’ils devinssent, ou tout au moins lui parussent malades, chétifs et sans vigueur. — C’est juste. — Or d’où proviennent leurs brillantes quali tés? Des soins dont vous les accab'ez et de la nourriture saine et abondante qu’on leur donne. Amoindrissez celle-ci, privez-les de celle-là et le résultat sera bientôt atteint. — Je commence à comprendre. — Plus d’avoine, rien que du foin, juste de quoi ne pas les laisser mourir de faim. Soumis pendant un mois à ce régime, Vs seront dans un état tel que le marquis ne voudra plus les voir. Je les achète alors à bas prix sans que mon maî tre le sache, et je les envoie au vert jusqu’à ce qu’ils soient complètement rétablis. Puis j’an nonce au duc que le marquis s’est enfin décidé à les vendre pour une somme importante. Mon maître me la donne, nous partageons la différen te et le tour est fait. Comprenez-vous? — Parfaitement. — Eh bien! cela vous va-t-il? A votre santé. Tiens, encore vide ! Une troisième bouteille. — Mais non, mais non, fit le nègre, qui se sentait déjà l’esprit légèrement troublé. — On ne cause bien qu’en buvant. La troisième bouteille fut apportée. — Est-ce un beau plan que celui-là? reprit Georges. — Admirable. Trinquons. Ce cher M. Valentin. Dès ce soir je me mets à l'œuvre. Nous gagnerons au moins deux mille francs....