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Le Petit Moniteur universel, 11 février 1914

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Le Petit Moniteur universel
11 février 1914


Extrait du journal

Actuellement, ce qui est reconnu, «dans une famille, comme le bonheur suprême, celui des enfants et des parents à la fois, c’est bien la cohabitation du petit chien d’appartement, du petit chien maladif, haineux et rageur. Quelle que soit l’intolérance des propriétaires, on trouve toujours le moyen de garder dans un coin un représentant minuscule de la race canine et cela avec d’autant plus d’impudence que l'on sait pertinemment lesdits propriétaires en posséder un tout comme vous pour ne skis dire plusieurs. Il en résulte d’agréables interpellations d'un logis à l'autre dans le silence de la nuit et des rencontres dans l'escalier qui revêtent une forme de •courtoisie assez particulière. Le petit chien des familles est îe bonheur sous la main pourvu qu'on .soit en droit de le tenir en laisse. C’est pourquoi son entrée dans la famille provoque l'empressement solennel des grandes réceptions. A de rares exceptions près, cela se passe ainsi : sous la clarté sobrement blonde de la suspension, autour de la table dressée pour le dîner, dans la senteur d’une bonne soupe de ménage qui répand une fumée humide cl appétissante, Madame et sa progéniture attendent. Avec une mimique d'impatience inquiète, Madame ne cesse de regarder la pendule car le retard de Monsieur qui. depuis quinze ans qu ils sont mariés, ne lui a jamais fourni l’occasion d'en relever un qui ne fût explicable ou expliqué, n'offre rien qui la puisse préaisément rassurer. Le timbre de la porte d’entrée résonne enfin et Madame se compose un visage agressif tandis que les enfants se préparent à tendre leur assiette. On entend le bruit de la canne, déposée dans le porte-parapluie, celui du manteau et du chapeau accrochés aux patères, puis la porte de la salle à manger s'ouvre précautionneusement et Monsieur paraît avec des grands airs de mystère. Il porte, serré contre sa poitrine et à demi caché par Son bras, quelque chose que ni la mère ni les enfants ne parviennent tout d’abord à identifier, mais, presque aussitôt un aboi suraigu leur révèle de quoi il ressort. Alors c'est, une unanime explosion d'enthousiasme stupéfait. Suivie de sa progéniture qui piaille : « Un chien !... un petit chien ! », Madame court à son mari, le* yeux pétillants, quasi aussi gamine que ses enfants, retard subversif, mais on ne l’écoute même pas, occupé que l'on est à trouver l'animal « si petit, si gentil » bien qu'il se montre hargneux au possible. On prend tout de même place à table, mais c’est pour regarder incontinent en dessous afin de voir si Rip — car Monsieur a cependant trouvé îe moyen de faire enteno.’Ç qu il s appelle Rip afin de voir, dis-je, si ripa a l’air satisfait. ne risque pas de faire écraser par tes pieds ou le déclaré" adorable parce qu’il vous mordille les moiJcts. le potage peut être succulent, le légume savoureux, la viande apprêtée avec un art consommé et le vin recéler le pins délicat des fumets, on ne le sait pas: mais ce que l’on est en demeure d'affirmer c’est que Rip déteste le pain, ne crains pas la sauce, fait, le dédaigneux devant, l'entremets et raffole des gâteaux. Le repas terminé, comme on ne se disent plus l’obligation fastidieuse d'un dîner, on donne plus librement cours à sa joie débordante, à son allégresse trépignant et la scène devient tout, simplement charmante. Monsieur, Madame et les enfant* s’accroupissent, marchent d’une pièce à l'autre à quatre pattes, parlant une langue qui, pour être nouvelle, n’en est pas moins délicieuse et dont quelques bribes se détachent parfois, nettes et touchantes, d'un brouhaha sonore : « Comme il était joli cette petite chien... Mais oui, ses mal-maîtres... c'était un bou pétait ne *c résout que fort tard à aller se coucher et, après avoir longtemps discuté de qui aura le privilège de le garder ,y n’était bien sentilJe... elle aimait bien durant la nuit sur son lit, on linit^jiour ne point faire de jaloux, par 1 installer dans le salon, sur un coussin qui a été préalablement posé sur un fauteuil....
Le Petit Moniteur universel (1869-1914)

À propos

Le Petit moniteur universel est un quotidien français, fondé en janvier 1869, peu avant la Commune, contre laquelle il proteste. Prenant la suite du Moniteur Universel du soir, il comporte des suppléments comme un hebdomadaire illustré, et des éditions régionales, à Tours, en Seine-et-Marne et dans le Centre notamment.

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