Extrait du journal
Quelques étudiants et ouvriers anna mites se sont livrés récemment, à Paris, à une manifestation déplacée... Ce "fut un incident fâcheux. Ce ne fut qu'un incident. La justice est intervenue et a dû « s'oc cuper » de quelques-uns de ces turbulents manifestants. Mais qui s'occupe des étu diants et des ouvriers d'lndochine qui viennent chercher en France soit le savoir, soit le pain quotidien et qui ne mani festent jamais ? Ça, c'est une autre question. Et c'est un question à laquelle, sans di ute, il ne serait pas mauvais de penser. Des lettres touchantes me sont parve nues et des lettres désolantes. Une grande détressé morale et phy sique, une vraie misère, pèse sur beaucoup de ces étudiants, sur beaucoup de ces ouvriers indochinois. Minces, fluets, médi tatifs et silencieux, ils mènent dans l'abandon une pauvre vie, incertaine, dure ! et fragile à la fois. Us m'écrivent : « Nous, nous ne sommes ni des agités tri des agitateurs. » « Nous, nous ne sommes pas des révo lutionnaires. » « Nous, nous ne. sommes pas des commu nistes. » « Nous, nous ne fumons pas de l'opium. » « Nous, nous aimons la France et nous la respectons. Mais, vraiment, la France nous délaisse par trop ! Dire qu'on ne fait rien pour nous en France, ce n'est pas asse.... Nous en arrivons à nous demander si l'on ne fait pas systématiquement beau coup de choses contre nous ? « Contre nous, des préjugés répandus de tous côtés : nous sommes si naïfs que nous sommes tous à la merci des Soviets et de leurs agents 1 Nous nous abru tissons à fumer l'opium ! Nous sommes tous plus ou moins drogués, plus ou moins révoltés, plus ou moins dangereux I Nous sommes ceci, nous sommes cela et cela encore... « Voilà comment on nous juge. Or nous sommes, pour la plupart, tranquilles, sobres et sages. Pour la plupart, nous ne cher chons qu'à nous instruire et qu'à mériter notre pain. « Sommes-nous Français? Dans les dis cours, oui ! Dans la réalité, on nous traite partout d'étrangers. Et des employeurs qui donnent volontiers du travail à des Italiens, à des Espagnols, à des Polonais ne veulent pas de nous parce que nous sommes... des étrangers, nous ! Les Italiens, les Espagnols, les Polonais, les Allemands sont donc moins étrangers en France que les Indochinois ? « Nous le répétons avec tristesse : la France nous délaisse par trop ! La France que nous aimons, que nous admirons tant, a l'air de ne pas vouloir de nous ! Nous qui ne manifestons pas, nous qui ne voulons pas troubler l'ordre, nous qui, rentrés en Indochine, voudrions être un jour les plus fidèles soutiens de l'oeuvre française, nous nous trouvons, en France, isolés, ignorés, abandonnés, méconnus, soupçonnés et dédaignés. » ... L'amitié, comme l'amour, est un ;eu qui se joue à deux. Il faudrait que les jeunes Indochinois qui viennent chez nous pour apprendre à aimer la France sentent bien que la Franc., de son. côté, est prête à leur donner son affection et son aide. Maurice PRAX....
À propos
Le Petit Parisien est un grand quotidien français, publié entre 1876 et 1944. Il était l’un des principaux journaux sous la Troisième République.
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