Extrait du journal

Moins surmené que nous autres, ne connaissant pas toutes nos fièvres, n'étant pas contraint à notre hâte perpétut-Ile, le Parisien de naguère ne songeait pas à abandonner sa ville, l'été. L'idée d'un déplacement de quelque durée l'eût un peu effaré. Il avait, traditionnellement, une ambition le voyage Dieppe. Quand il l'avait réalisée, quand il avait vu la mer, il était satisfait et se tenait pour un homme qui avait suffisamment couru le monde. La difficulté des communications expliquait la modestie de ses vœux. Encore qu'on admirât la rapidité des diligences, une excursion en province n'était pas une petite affaire. Les raffinés, jouissant de quelque aisance, avaient leur petite maison des champs, mais à proximité de Paris, à Gentilly, à Montrouge, à Clignaneourt. à Passy, villages encore fleuris qui, englobés dans l'enceinte, devaient peu à peu se transformer en rues populeuses. Ils se fussent sentis exilés si une course de cabriolet ne les eût pas ramenés aux alentours de la place de là Bourse, alors en construction. Les Pàrisiens d'autrefois aimaient leur Paris plus étroitement encore que nous ne l'aimons attachés à leurs habitudes, il leur eût fait cruellement défaut au bout de quelques jours. Au dérreurant, l'animation parisienne ne cessait pas brusquement, comme à préseut, et nos grands-peres 'n'avaient point peur des jours chauds. Feuilletez les Courriers de Paris "de Mme de Girardin, qui sont le plus fidèle reflet de l'existence sous lé règne de Louis-Philippe. On y constate qu'on bravait allègrement la canicule. J'y trouve, par exemple, à la date du 12 août i&40, une brillante « variation » sur la gaîté de la we « Ce qui enchante le plus les Parisiens, c'est le nouvel éclairage des boulevards. Le soir, cette promenade est admirable. Depuis l'église de la Madeleine jusqu'à la rue Montmartre, ces deux allées de candélabres, d'où jaillit une clarté blanche et pure, font un effet merveilleux. Aussi, que de monde, que de monde 1 Des femmes élégantes sont assises sur des chaises, et auprès d'elles sont de beaux jeunes gens qui fument. Des marchandes de fleurs vous poursuivent avec des bouquets et ne vous laissent pas un moment de repos .Et grandes sérénades partout, violons, galoubets, flûtes, guitares et chanteurs italiens »...