Extrait du journal

Le pitre, en effet, qui est le clown français, est, en son genre, un artiste. Je veux dire que, pour réussir, il a besoin de réunir, comme tout artiste, deux conditions distinctes la vocation et le métier. Le don naturel d'exciter le rire n'est pas aussi répandu qu'on le croit. Ce don n'est pas d'essence différente chez le pitre et chez le comédien. Nous avons connu des comédiens illustres dont le succès, pour une large part, était un succès de pitres. Et d'ailleurs, si vous revenez à l'origine de notre théâtre comique, vous trouvez la farce, dont le pitre était l'interprète, nécessaire. Il en est beaucoup, parmi nos contemporains, qui se souviennent d'avoir vu Coquelin Cadet jouer au ThéâtreFrançais Monsieur de Pourceaugnac. Lorsque, conformément à la tradition anoliéresque, Cadet, quittant la scène, courait à travers la salle, poursuivi par la bande des apothicaires, la seringue en bata.ille, c'était, au tout premier chef, une vision de farce, réalisée par des pitres. Et, pourtant, c'est Molière lui-même qui a conçu cette poursuite et qui l'a placée au cœur d'une de ses ceuvres les plus fines, les plus profondes, les plus riches de psychologie. Plaisanterie de carabin, dira-t-on peut-être. Eh oui Mais le rire a ses droits et les plaisanteries de ce genre ont toujours été applaudies, en notre bon pays de France....