Extrait du journal

Cependant, ce mois d'août va voir se dresser d'autres monuments, celui d'Alfred de Vigny, le fier et grave poète, et celui qu'on dédie à la mémoire de Jules Sandeau, x la colombe du roman », comme l'appelait jadis un critique narquois. En France, ce qui protège peutêtre le mieux contre l'oubli, c'est le souvenir d'une aventure d'amour, et, plus encore que son œuvre, on se rappelle la liaison de Sandeau avec la femme illustre qui prit la moitié de son nom. Je me souviens, alors que j'étais tout jeune homme, de mon étonnement en apercevant pour la première fois, derrière son pupitre de la Bibliothèque Mazarine, ce séducteur d'autrefois, à qui mes lectures et mon imagination voulaient garder quelque prestige ce n'était plus, par la loi fatale qui atteint tout le monde, qu'un vieux petit monsieur, coiffé d'une calotte de velours noir, qui n'avait rien' d'héroïque, et qui somnolait doucement pendant lec heures où il resiait à son poste de conservateur de la bibliothèque, devenu à peu près indifférent a tout. Les temps romantiques étaient bien loin, ceux de ses débuts, qui avaient été aussi ceux de George Sand, ayant, à cette époque, adopté le costume de jeune étudiant, évoqué par ses portraits. La rencontre de Jules Sandeau, devenu, avec l'âge, si différent de ce que je le supposais, fut une de mes premières leçons philosophiques. L'amie de sa jeunesse devait, d'ailleurs, avoir de bien autres hardiesses littéraires que l.ui. Mais, par le génie de transformation qu'ont les femmes, George Sand, en dépit d'une existence orageuse, avait su devenir, tout naturellement, une charmante aïeule, une parfaite grand'mère....