Extrait du journal

A la terrasse d'un café, à sept cents kilomètres de Paris, je visite le Salon de l'automobile. A ma droite, à ma gauche, devant pioi. derrière moi. tout le .monde, en effet, parle du Salon. Et « l'assent » des consommateurs, qui sent la bran dade et l'olive, rend la conversation particulièrement suggestive et pas sionnée. Tous les châssis, de toutes les firmes françaises et étrangères sont verbale ment examinés, étudiés, critiqués. De vieux messieurs et de tout jeunes gens, de grosses dames et de charman tes jeunes filles discutent, discutent... Il pourrait y avoir un autre sujet de discussion : il y a eu, dimanche, une bonne corrida, aux arènes, une corrida avec mises à mort, bien entendu. Non... L'auto, seule, compte pour l'instant. Et le Salon de l'auto. Il y a déjà des messieurs et des dames qui sont allés au Salon. Ils ont tous dû rentrer cette nuit, car ils ont tous l'air un peu fripé. Les autres mes sieurs, les Autres dames annoncent leur départ pour Paris. Sans doute, ils par tent aujourd'hui même, car ils ont déjà l'air follement pressé. Ils sont pressés en buvant des bocks. Cette petite dame en tient pour les soupapes latérales. Moi, je veux bien. Cette pâle jeune fille aura son petit cabriolet. Tant mieux. Et ce noble vieillard, chevelu, barbu et grave, se fait l'apôtre véhément des petites cylin drées. Il doit bien avoir ses raison?. Moi, ma voiture... Ça, c'est le début d'une histoire mer veilleuse et d'une description admira tive et attendrie. Moi, la mienne... Ça, c'est une histoire pareille. Au Salon, cette année, mon cher... Ça, c'est encore une autre histoire. Au Salon ! Au Salon !... Toute la ville est au Salon. Toutes les imagina tions, toutes les pensées, tous les espoirs, toutes les ambitions sont au Salon de l'auto. Ainsi, c'est à distance qu'on se rend le mieux compte de l'attrait, du pres tige, de l'intérêt et de l'utilité du Salon de l'automobile. A sept cents kilomètres des ChampsElysées, on voit le Salon. On est ébloui par ses lumières. On est émerveillé par ses stands. Et l'on suit la foule. Seul le garçon qui me sert n'avait pas encore parlé du Salon. Mais il vient de se rattraper : Il veut %ien me faire connaître, tout en me rendant de la monnaie, que les <1 six cylindres ne l'épatent pas » et que « une bonne petite quatre cylindres » lui parait, quant à lui, très suffisante. Ce qui l'inquiète dans les six cylindres, c'est l'allumage. Un beau jeune homme, orné d'un fashionable sweater orange, hausse les épaulés avec commisération. Sûrement, il va dire son fait au garçon qui n'est pas six-cylindriste. Je m'éloigne pour éviter cette scène pénible. Maurice PRAX....