Extrait du journal

Dernière Edition, La mort du mécanicien Steingel, de la Compagnie de Paris-Lyon-MéditeiTanée, écrasé sous la locomotive du train n° 11, à Velars-sur-Ouche, au moment où il essayait d'en arrêter la marche pour sauver les voyageurs, est venue s'ajouter au martyrologe déjà long de ces modestes, mais dévoués agents des Chemins de fer. Le sort des mécaniciens de Chemins de fer est particulièrement rude. Exposés sans abri, ou à peu près, à la chaleur suffocante du foyer de la machine et aux intempéries des saisons, au vent, à la pluie, à la neige. à la tempète sans cesse attentifs, au milieu de la nuit, à surveiller, en même temps que la locomotive, la voie devant et derrière; sentant qu'ils entraînent, après eux. des centaines d'existences qui sont comme suspendues à son poignet; préoccupés d'un signal lointain, d'un bruit suspect, d'un frottement insolite astreints à régler mathématiquement leur marche, payant d'une amende tout retard ou toute avance, ils savent, de plus, qu'ils seront les premières et les plus sures victimes de tout accident causé par leur négligence ou par des causes qu'ils n'ont pu prévoir ni prévenir. S'ils échappent comme par miracle à la catastrophe, la Justice criminelle les attend pour leur demander compte des homicides qu'ils peuvent avoir commis par imprudence. Enfin, pour achever cette peinture déjà si sombre, ajoutons que tout mécanicien qui compte un certain nombre d'années de service est infailliblement atteint de certaines affections propres à son état et que les médecins attribuent les uns aux trépidations de la machine, les autres à l'action du courant d'air....