Extrait du journal
J'avotfe très, humblement que je ne passe pas toutes mes nuits à Montmartre. Il m'arrive même, couramment, si j'ose dire, de rester deux ou trois années sans pénétrer dans un cabaret de la Butte sacrée... Je fais cet aveu avec humilité' et con trition. Pourtant, hier, de bpns amis, m'ont dé bauché et j'ai assisté, pendant une petite heure, dans une salle très parisienne et ma . foi très élégante, aux ébats chorégraphiques et « cham pognatoires » des fêtards noctambules. Je dois reconnaître que je suis sorti dévote ment et religieusement édifié de cet élégant salon mondain, que quelques bonnes mères de ' famille non averties considèrent peut-être encore comme un « lieu de perdition » horrifique... Je suis heureux de pouvoir rassurer ici, pleinement, ces excellentes mamans... Les mœurs montmartroises n'en déplaise à quelques moralistes chagrins et à quelques fran cophobes du dehors sont devenues d'une rigueur, d'une honnêteté, d'une sévérité et d'une correction qui passent toute imagination. Les danses nouvelles qui ont pris racine chez nous, ces danses sérieuses, ces danses puritaines, ces danses lamentablement nostalgiques et de pénitence ont, en effet, fini par mater, par- user nos danseurs et nos danseuses. La dure discipline que leur imposent des pas aussi argentins que brésiliens et que douloureux les a brisés à la longue. Danseurs et danseuses ne sont plus du tout tentés de faire,en dansant de ces galipettes que nos proches aïeux appelaient des entrechats. Us ne font pas des galipettes. Ils font des mathé matiques giratoires. Ils posent un pied comme ils poseraient x en retenant y. Ils tournent comme ifs feraient la preuve par neuf et l'équation de leur shimmy ne se traite que par l'algèbre. Les couples ne dansent pas. Ils tracent des épures et font de la géométrie descriptive avec des souliers vernis. Ces mathématiques dansantes et supérieures ont sensiblement élevé le moral des fêtards qui ont tous à cœur, aujourd'hui, d'avoir, quand ils font la noce, une tenue exemplaire et rigide... Les danseurs sont sévères, fermés, cérémonieux et distants. Les danseuses, qui ont l'air d'assister à quelque office religieux, sont hiératiques, muettes, recueillies et mélancoliques. Le jazz-band, qui jotie le rôle du traître dans ce paradis et qui se fait une figure de démon, s'efforce en vain de faire un vacarme d'enfer... Les couples, dévotement enlacés, ne font pas seu lement le ronron discret des toupies d'enfants tournant sur la table de la salle à manger... ...Je n'ai pas surpris un seul sourire équivoque, un seul propos polisson, hier, au Temple mont martrois... Je n'ai pas vu, je le jure, un seul dan seur « éperdu » serrer de trop près sa compagne... Quant à avoir entendu le petit bruit furtif d'un baiser Au fait, je me demande, ce que l'on ferait, à Montmartre, d'un amoureux éhonté qui oserait èmbrasser ceMc qu'il aime... Je pense qu'on le ferait emmener, sur-le-champ, par deux agents : outrage aux mœurs. Maurice Prax....
À propos
Le Petit Parisien est un grand quotidien français, publié entre 1876 et 1944. Il était l’un des principaux journaux sous la Troisième République.
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