Extrait du journal

Il a écrit un jour que c'est par le voyage que nous possédons le présent pur, « car le voyage seul nous permet de vivre vrai ment la journée où nous sommes ». Mais M. Abel Bonnard ne s'en va.pas par le monde comme un Paul Morand ou un Pierre Benoit. C'est pour mieux se cher cher lui-même, à travers des paysages que chérit en lui le poète, qu'il pousse tou jours plus loin. La sagesse, qu'il essaie de forcer sous toutes les latitudes, ne lui apparaît pas ri facile. Il ne l'a trouvée, je crois, qu'en Chine, « ce seul monde, me disait-il, où "on puisse vraiment immobi liser l'lnstant dans un décor millénaire ». Rentré à Paris, en sa retraite d'Auteuil, vrai temple le la chose imprimée, il reste longtemps à méditer. Car il ne voyage pas pour écrire des livres. Il écrit lorsque le voyage lui a laissé des impressions dignes d'être recueillies. C'est un moraliste, mais qu'a marqué la Muse. Je sais peu de ses contemporains qui savent comme lui toutes les ressources de notre langue. Sa phrase a l'ordonnance et la plénitude de la grande époque, et cm~:ne subtilité qui, par delà le Xviir siècle, rejoint les Grecs. Un jardin de Le Nôtre sous un ciel d'Attique. Enfin, M. Abel Bonnard parle comme il écrit. Que de charmants jeudis en perspective, puisque aussi bien l'Académie est notre premier salon ! Le dictionnaire y gagnera. Maurice BOURDET,...