Extrait du journal

Ce qui est arrivé en Italie, dans cette dernière semaine, semble un rêve. Nous qui avons vécu ces heures de fièvre et de passion, nous ne réussissons pas encore à nous rendre complètement compte de l'énorme gravité des événements, qui se sont déroulés sous nos yeux avec une rapidité foudroyante et dramatique. D'une seule chose, nous avons la certitude, c'est que l'Italie a traversé et a résolu la crise la plus terrible de son histoire. L'autre dimanche, M. Giolitti arrivait à Rome avec le programme précis de renverser le cabinet Salandra et de détruire le plan d'action, préparé par celui-ci, aux côtés de la Triple Entente. Intentionnellement, il avait attendu le dernier moment pour faire éclater sa bombe sous les pieds du ministère; sûr, pensait-il, d'en tirer un triomphe plus complet. Son entrevue de lundi avec le roi fut conseillée par M. Salandra lui-même, non pas pour avoir l'opinion de M. Giolitti sur la situation, maisrpour lui faire savoir que la guerre était décidée et que la dénonciation, avant l'échéance, du traité d'alliance avec l'Autriche en étaient les préliminaires. M. Giolitti profita de cette entrevue, ainsi que d'une autre qu'il eut, plus tard, ce jour même, avec M. Salandra, pour accuser ouvertement son hostilité au ministère. Violant les devoirs les plus élémentaires envers la Couronne, il fit publier,'par sès' journaux, qu'il avait déclaré au roi et à M. Salândra qu'il n'approuvait pas la guerre. L'impression dans le public fut énorme. L'âme du peuple, préparée à l'idée de la guerre, reçut un coup terrible L'homme estimé comme le plus fort des hommes d'Etat italiens, qualifiait d'erreur grossière ce pour quoi un million et demi d'hommes appelés sous les drapeaux sont disposés à braver la mort...