Extrait du journal

Une lectrice amie me communique l'émouvante épitaphe qu'elle a relevée sur un caveau de famille au cimetière des Planques à Albi. HOSE DELMAS (ROUSOU) si ans, Servante, devenue membre de ta famille par 6S années de labeur, de dévouement et d'affectueux attachement. Elle repose auprès de ses maîtres reconnaissants. L'épitaphe date évidemment d'une époque où l'on ne connaissait pas la crise des domestiques ni sans doute celle des logements, ni sans doute celle du beurre à vingt francs le ki10... Les temps ont changé, assurément... Les do mestiques aussi; et les maîtres... La vie moderne a bouleversé les conditions du foyer ; et la guerre a ouvert à la « petite bonne bretonne » des horizons nouveaux... Il y a l'atelier. Il y a l'usine. Il y a le magasin. Il y , a la journée de huit heures, la liberté du soir, le cinéma, le bal et l'indépendance... Il y a, parfois, le bas de soie, et l'aventure... Les temps ont changé... L'épitaphe d'Albi sera dans cent ans une curiosité historique. Et l'on parlera encore de la crise des domestiques. On en parlera encore... Mais on 'en parlera peut-être beaucoup moins qu'aujourd'hui... Le foyer sera peut-être organisé alors de telle ma nière qu'il n'y aura. plus de crise sérieuse du service... Les Salons des appareils ménagers se seront annuellement succédé- et les . femmes auront appris, toutes, à faire elles-mêmes le ménage... Dès cette année, au premier Salon qui vient d'être inauguré, les Parisiennes vont assurément apprendre beaucoup de choses essentielles... On peut balayer une grande pièce aussi faci lement qu'on allume une lampe... On tourne le commutateur électrique et l'électriçité fait la besogne de « la petite bonne bretonne »... On peut lire un roman, voire du Claudel, du Pierre Benoît ou du Bergson, en faisant la lessive... On peut_ faire griller un rumsteack et mijoter un ragoût en robe du soir... Faire ,1e ménage, dans une maison où il y a l'électricité, ce n'est pas, aujourd'hui, une tâche terrible. Ce n'est pas plus « salissant » que de prendre une tasse de thé. Et l'on respire moins de poussière, à • coup sûr, en balayant une chambre à l'électricité'qu'en assistant à une magnifique répétition généraleNécessité doit faire 10i... . Nos élégantes qui gémissent à , perdre haleine sur leurs malheurs ménagers et sur la crise des domestiques feraient beaucoup mieux d'essayer de se débrouiller. Le système D a toujours du bon. Les petits travaux de tapisserie, de broderie, de tricot étaient, jadis, extrêmement à la mode dans le monde... Il faudrait mettre à la mode, aujourd'hui, les gros travaux si simplifiés par le progrès du ménage: le balayage, la popote et la lessive... Quand lirons-nous dans les Mondanités de bienfaisants petits entrefilets de ce goût : « Ma dame la baronne de Malicorne a lavé ' hier son linge sale en tout petit comité... La comtesse de Laflèche, après avoir balayé ses appartements et fait le pot-au-feu, s'est rendue aux courses de Saint-Cloud, où elle a assisté à la victoire de son crack Oseille... » ' Pourquoi pas?... Maurice Prax....