Extrait du journal

Il n'est pas, dans toute la période du dix-huitième siècle, d'individualité féminine plus haute, plus forte, plus caractérisée que celle de l'héroïne de victime de i793. Même à travers les siècles, on trouverait malaisément une femme qui puisse rivaliser avec celle-ci pour l'ampleur de l'ambition, l'activité du rôle, la culture de l'esprit, la décision et le courage. Ce n'est point sans raison qu'on l'a représentée comme l'âme même du parti girondin, comme l'un des artisans les plus vigilante de la Révolution modérée. Nourrie de l'antiquité classique, pourvue de lectures abondantes, Mme Roland s'était fait, de bonne heure, une mentalité spéciale. Elle ne connaît ni l'incertitude ni la peur. Elle est née pour commander et répand autour d'elle une influence à laquelle rien n'échappe. Quand son mari, poussé par elle, prend par deux fois le ministère avec ses amis les Girondins, c'est elle qui inspire le ministère, et dans son salon, où se rencontrent Brissot, Barbaroux, Pétion, Buzot, se délibèrent les grandes résolutions. Lorsqu'elle est arrêtée avec les Girondins, après le 31 Mai, jetée en prison, transférée devant le tribunal révolutionnaire, qui la condamne à mort, elle est stupéfiante de sérénité et de sang-froid. De quelque façon qu'on juge son action politique, quelque tempérament qu'elle ait apporté, à certains moments, à l'enthousiasme des premiers jours, elle reste une des grandes figures d'une des phases les plus mémorables de notre histoire. Or, sa fille Eudora, dont voudrais justement entretenir nos lecteurs, d'après ses biographes les plus récents, contraste du tout au tout avec elle. Celle-ci n'est guère remarquable que par la discrétion de sa vie, sur laquelle la fin tragique de son père et de sa mère jette comme une éternefle tristesse, 1...