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Le Petit Parisien, 30 novembre 1908

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Le Petit Parisien
30 novembre 1908


Extrait du journal

Ce ne sont guère les contrastes qui font jamais défaut dans la vie de Paris. C'était, dans le temps même qu'on proclamait, à l'Académie, les « prix de vertu que se déroulaient les plus dramatiques et les plus troublantes péripéties de l'affaire Steinheil, suspendant, en quelque sorte, par leur angoissant intérêt, la vie publique. Au moment où M. de Ségur louait le grand cœur d'humbles créatures et racontait des traits de dévouement et d'abnégation, la femme énigmatique dont les déclarations accusatrices tenaient en haleine l'opinion, traquée.dans ses mensonges, à bout d'inventions, malgré son imagination d'hystérique' ou de criminelle, finissait par .avouer son impuissance à soutenir plus longtemps ses impostures. Et la pauVertu fut bien oubliée, au milieu du prodigieux retentissement des confrontations du Palais, soulevant, en effet, tant de problèmes de tout ordre. A côté de ce nom de Mme Steinheil, -d'une célébrité aujourd'hui mondiale, 'que devenaient ceux de Mlle Puttemans, cette soeur de charité laïque, de Mlle Célina Leclère, providence des aveugles, ou des sœurs Muiron, modernes Antigones ? La vertu n'est pas romanesque elle est, par essence, toute simple. Il est philosophiquement piquant de constater le peu de place qu'on lui accorde dans les journaux, répondant aux volontés des lecteurs, à côté des colonnes consacrées à tous les détails du revirement qui se produisait dans l'étrange et quasifantastique histoire de l'impasse Ronsin. Les délégués de la municipalité de Prague, venus pour apporter à Paris les témoignages de l'affection de la Bohême, emporteront, assurément, une vision curieuse de la grande ville semblant avoir la fièvre, ne pensant plus qu'aux nouvelles vraies ou fausses, qui se répandaient, ne parlant plus que de l'événement, oubliant, un moment, toutes les autres préoccupations. Et quels commentaires, singuliers parfois, ils purent écouter, car ce ne furent pas les déductions aventureuses qui manquèrent, et chacun se piquait de soulever, à sa façon, les voiles du mystère. A la même heure, dans la rue et dans toutes les maisons, il était impossible de ne pas entendre les mêmes paroles. Quel tableau bien moderne à dessiner que celui de Paris, secoué soudain d'une émotion extraordinaire, dévoré d'impatience, s'ar[rachant les éditions spéciales », dussent-elles ne contenir que ce que tout le monde savait déjà, sentant, selon un mot fameux, son pouls battre cent vingt à la minute Ce Paris en ébullition, non plus pour des intérêts publics et immédiats, mais pour une aventure qui est comme un feuilleton réel, est un spectacle unique, avec cette communication qui s'établit aussitôt entre tous, et où son âme semble visible. Beaucoup de badauderie, sans doute, mais au delà de cette badauderie, de ce qu'il y a de hâte à tirer des conclusions de faits encore mal'connus, ce puissant instinct de justice qui forme son essence supérieure. Et sans doute est-ce pour cela qu'il se passionne ainsi, et il y a, en fait, mieux que de la simple curiosité dans son anxiété d'être vite renseigné. Des mouvements d'opinion se produisent avec ,une telle force unanime qu'ils ont raison de toutes les lenteurs de formes, de toutes les hésitations, et, avec ses millions de voix, c'est Paris, en effet, qui devient le grand juge....

À propos

Le Petit Parisien est un grand quotidien français, publié entre 1876 et 1944. Il était l’un des principaux journaux sous la Troisième République.

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